Poèmes

Sélection au Revier

par Micheline Maurel

(A la mémoire de Pani Irena
et Valentina Féodorovna)

Leurs bottes martelaient le couloir. Ils entraient
Une tête de mort luisait à leur casquette.
Blokowa et docteur les suivaient inquiètes.
Cris, cantiques, jurons, toutes voix s’arrêtaient...

Et leur doigt aussitôt pointait sur nos squelettes :
“Celle-ci, celle-ci, celle-ci, celle-là,
“Celle-ci, celle-ci là-bas...” La blokowa

Marquait des numéros tremblants sur ses tablettes.

“Celle-ci, celle-là, les trois de ce châlit...”
Parfois la blokowa osait une réplique :
“Celle-ci dès demain retourne à la fabrique !”
Le doigt pointait ailleurs : “celle-là, celle-ci..”.

Ils sortaient. Derrière eux, la tête plus courbée,
Blokowa et docteur. Les bottes s’éloignaient
Dans la salle, un instant le silence régnait,
Puis les cris, les sanglots, les râles, les huées...

Alors la blokowa plus pâle revenait;
Elle ne disait plus comme deux ans plus tôt :
“Vous partirez ce soir pour un camp de repos”;
La vérité, plusieurs l’avaient su deviner.

Elle tentait pourtant de calmer les malades
Qu’elle n’avait pas pu sauver cette fois-ci.
Le camion arrivait sitôt qu’il faisait nuit;
On le chargeait. Il repartait. De grandes flammes
Jaillissaient dans la nuit sur le camp principal.

“Ceux du prochain transport auront des savonnettes”
Ricanaient doucement quelques pauvres squelettes.



Poème publié et mis à jour le: 19 November 2022

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