Poèmes

Paliers

par Guillevic

Eugène Guillevic

Alors il y avait la convergence
De la mésange et du beau temps.

L'air vers le soir
Prenait le frais.

Ses regards avaient des pouvoirs
Sur les chemins, les interdits.

Même chercher au-delà d'elle
C'était aller selon sa loi,

La promener
Dans son royaume.

Nuages, feuillages,

Bouts de cailloux, bouts de brindilles,

Cheminées, graminées,

Le vent, le temps, et quoi?

De ce qui passe,
De ce qui reste
Dessus, dessous,

De ce qui vient,
Qui ne vient pas,
Ne viendra pas,

Fleurs de granit, Œil de zénith,

Eau mal tendue,
Herbe dodue.

Je suis présent, je vous attends.
Je n'ai pas mal.

J'ai entendu :

Je crois que c'était un oiseau

Et qu'il chantait.

J'ai entendu :

Bien sûr qu'il chantait,

Que je passais par là.

Je crois qu'il savait
Que j'allais passer.

C'était admis par les halliers,

Par tous les champs,

Par les chemins, le bas du ciel.

Je savais que j'étais un peu
De tout cela, de la confiance
Que tout cela se donne
En^de tels jours.

Et l'oiseau,

Est-ce que ce n'était pas

Mon pareil, mon écho, mon autre,

Peut-être moi tout simplement?

Ce qui de moi n'est plus à moi,
Qui s'est donné?

Dans tout cet arbre
Il n'y a pas de feuille

Qui serait de toi plus parente
Qu'une autre feuille.

Toutes sont feuilles,

Vivent l'air, la terre et la forme.

Toutes vivront

Ce que tu peux leur apporter.

Ce n'est pas moi

Qui creuse l'eau'de la fontaine

Ou qui lui donne plénitude.

Je suis près d'elle,
Rien que près d'elle.
Je peux y boire.
Je voudrais plus.

Être le soir qu'elle sera,
Son épaisseur,
Tout son silence.
Plus que cela.

Je voudrais te dormir,
A toi-même t'ofïrir
Quand la nuit sera noire,

Te redonner à toi

Quand viendront les regards

Qui croient avoir des droits.

Assis dans la barque,

J'ai plongé mes mains dans les eaux du lac.

Je voyais mes mains,
Tu n'étais pas là.

Je n'avançais pas,
Tu n'étais pas là.

Sur les paliers du vent,
Se rire du dernier
Que l'on vient de quitter
Pour plus de ciel offert.

Il y avait de la lumière dans cette nuit,
Si c'était la nuit.

C'était peut-être le jour, et la lumière Était celle du soleil.

Ou bien la lumière

Venait d'ailleurs,

Du ciel ou d'un coin de la terre.

Peut-être même

De quelqu'un qui serait moi.

Par la rose trémière
Que le vent a couchée

Et dont le rose blanc
Invoque ce qui passe,

Par la rose trémière
Qui demeure debout

Et tend contre le jour
Du rouge mal reçu,

Avance encore un peu.

Je maugréais la plaine,
Le nuage et le ciel,

Ce qui se laisse voir
Du passage du vent,

Tant de choses montrées
Que j'approchais de moi.

Qu'est-ce que je profère
Lorsque tout veut se taire?

Qu'est-ce qui se profère
Alors que je me tais?

L'oiseau vient, on dirait,
En survolant la grange,
De franchir quelque chose

Qui pourrait être une frontière,
Un interdit,

De sortir d'un espace
Où crier se condamne.

Il reste oiseau.
Il vient vers toi.

On entre dans des chambres.
C'est facile.
Chacun le fait.

Dans des cours, dans un lit,
Dans un bois, dans la grange.

Il suffît de venir d'un endroit plus ouvert,

D'avancer, de pousser

La porte quelquefois, de se glisser.

Mais entrer dans l'espace ouvert
Quand il fait clair

Et se sentir enveloppé par un volume
Qui n'est pas dit.



Poème publié et mis à jour le: 12 March 2014

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