il est là bleu sale déjà lent
sous l'horloge aux chiffres romains
il est vide qui aura choisi cet horaire il partira vide à 12.30
deux bouteilles de
Badoit six boîtes de bière 33
c'est entre la root-beer et la
Mort-Subite
un pambagna deux jambon-cru
il faut des provisions pour ce trajet
dans le compartiment soute à sièges
la place du mutilé est contre le radiateur
poussé à fond matin d'hiver
dès franchie la banlieue
Sainte-Marthe
premier tunnel tombeau très long
cette
Marthe est sœur de
Marie et
Lazare
à sa sortie les roseaux desséchés les lauriers poussiéreux
un autre tunnel nous avale l'électricité révèle le bleu des rideaux et de la chaîne du frein de secours
à sa sortie l'Estaque au centre du soleil face aux pans inclinés du
Rove
il est 12.42 au
Pas-des-Lanciers
de chaque côté ces arbustes pas très hauts
chargés de boules noires
on me disait c'est du poison
isolées sur des panneaux troués les réclames
Président et
Grosjean
Marignane à 12.46 sans avions dans le ciel
et puis
Vitrolles sous les falaises ocres en
Juillet
Ceccarelli y créa des promenades douze plaques en ciment jetées à terre comblées de petits jouets de fragments celluloïd de dessins de plumes de ressorts d'éclats
de verre on devrait refaire ensemble ce parcours des dalles
maintenant l'Etang-de-Berre
sans pétroliers sur la fange brune
à 12.52 un arrêt à
Rognac
les grands buis taillés du cimetière
ressemblent aux citernes de la
Compagnie
Shell-Chimie
à
Berre 12.57
nous regardons passer lentement portées par une remorque
Gefco seize voitures neuves étincelantes
13.00 exactement à
Saint-Chamas
un rapide grande-vitesse nous repousse
ah ! que j'aimais à l'appel de la clochette
déjeuner dans le wagon-restaurant
les serviettes blanches un peu épaisses
les lampes de table fer forgé
l'abat-jour rose tendre les fleurs
et le chiffre de la
Société dans l'assiette
sous le ventre de la sole meunière
à
Miramas 13.10 trois légionnaires sur le quai parlent avec le chef de gare ils font des gestes exagérés par les rafales du vent
toute la
Crau s'ouvre à 13.25
un contrôleur qui flâne est surpris de nous voir il s'affale il enlève sa casquette il ouvre sa veste il fume une cigarette il accepte une 33 il ignore l'heure
d'arrivée
et voici les dix mille mouettes gris blanc jaune de la liberté crasseuse
elles recouvrent en hurlant la décharge d'Entressens seule colline de la
Crau
trois rapides nous croisent encore ils se poursuivent dans un hurlement identique cris de guerre des grands trains qui disparaissent on me disait ne reste pas à la fenêtre
j'ai noté l'apparition depuis dix minutes du mouton fixe dans la campagne
en gare d'Arles la motrice laisse siffler son moteur comme un réacteur de
Boeing
et le
Rhône tout à coup
avec une famille de flamands roses
et un hameau de maisons basses
le
Rhône est le plus abondant des fleuves français
il roule en toute saison un flot puissant et rapide
son régime est complexe
en
Août il empeste dans
Avignon où
il est vrai que tout empeste
on regarde les cultures on découvre qu'elles aiment la potasse on traverse la campagne à petite allure on peut compter les pies dans les champs
à 13.55 la terre est brune accélération les arbres n'ont plus de feuilles
les jardins clos sont retenus au sol par de larges filets verts
Barbier-Dauphin est une bien belle réclame
à l'arrivée il est 14.15
Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012