J'ai vécu de peu de choses comme de ces quelques ruelles vides et béantes en plein midi qui s'ensauvageaient sans bruit dans un parfum de sève et de bête libre, leurs
maisons évacuées comme un raz-de-marée sous l'écume des feuilles. Pareilles à ce panache de l'explosion d'une poudrière qui dégonfle une ville, de grandes
masses de verdure orageuse roulaient un ciel sombre au-dessus des toits crevés.
L'après-midi me retrouve devant un haut mur de parc aveugle, tendant l'oreille, comme on surprend un bruissement de feuilles derrière une porte. A l'air libre, trempé soudain de
soleil tournoyant comme par une fanfare, mes pieds amoureusement ravivant la pente secrète d'une colline longue comme une joue, je redescendais chaque soir aux champs calmes, les mains
pleines comme celui qui touche une femme, appuyant le front encore, les yeux fermés, ainsi que le cœur manque et qu'on marche en dormant, au songe odorant et au vide sous le soleil de
ce village accoude à la forêt comme un après-midi d'été au balcon de sa nuit sauvage.
Poème publié et mis à jour le: 12 July 2017