Poèmes

Les Oreilles du Lièvre

par Jules Laforgue

Jules Laforgue

Un animal cornu blessa de quelques coups

Le
Lion, qui plein de courroux,

Pour ne plus tomber en la peine,

Bannit des lieux de son domaine
Toute bête portant des cornes à son front.
Chèvres,
Béliers,
Taureaux aussitôt délogèrent;

Daims et
Cerfs de climat changèrent :

Chacun à s'en aller fut prompt.
Un
Lièvre, apercevant l'ombre de ses oreilles,

Craignit que quelque inquisiteur
N'allât interpréter à cornes leur longueur.
Ne les soutînt en tout à des cornes pareilles. «
Adieu, voisin
Grillon, dit-il; je pars d'ici :
Mes oreilles enfin seroient cornes aussi;
Et quand je les aurois plus courtes qu'une autruche,
Je craindrais même encor. »
Le
Grillon repartit : «
Cornes cela?
Vous me prenez pour cruche;

Ce sont oreilles que
Dieu fit.


On les fera passer pour cornes,
Dit l'animal craintif, et cornes de licornes.
J'aurai beau protester; mon dire et mes raisons

Iront aux
Petites-Maisons. »



Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012

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