En cette année malheureuse, je perdis mes mains, mais gardai mes poignets.
Ce n'était pas satisfaisant.
Il fallut m'en contenter.
Il s'installa dès lors en moi une large nappe de calme.
Je n'avais jamais été si calme.
Le désespoir vaste avait reculé mes bornes.
De là, mon calme, de cette grandeur accrue.
Bien malgré moi!
Et je circulais dans le cirque immense de mon malheur.
Je fus toutefois tout près de le perdre.
C'est qu'on voulut, par artifice, me redonner des doigts pour remplacer les autres et faire face aux nécessités de la vie.
J'hésitais.
Enfin je dis « non » et je retrouvai ma paix.
Ce sentiment qui est si grand, il faut bien que ce soit la paix, sinon ce ne serait pas supportable.
Parfois pourtant je pleure, je pleure, je n'en puis plus, je pleure traversé d'incessants coups de sifflets, des hurlements plutôt, mais si rapprochés qu'ils sont comme des coups
de pique et tous ils hurlent en moi, ils hurlent :
«
Tu as perdu tes mains!
Tu as perdu tes mains!
Malheureux!
Tu as perdu ta vie... »
Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012