Poèmes

Les Lettres de L'épitaphe

par Jacques Réda

Oh vivre ici,
Démétrios, dans les bras repliés

Des collines.
Avec un toit, du fromage, du vin,

Des fourrures de chèvre au lieu de casques sous la tête

Pour regarder le ciel à quoi nous ne comprenons rien

Couchés ce soir sur l'herbe rase où l'on a répandu

À l'aube les boyaux décevants d'une poule, où demain

Rouleront dans le sang tes drachmes au profil usé,

Mercenaire.
Tu ronfles.

Peut-être qu'en dormant tu connais la forme des mondes

Et que nous en saurons la raison tout à l'heure

Quand la lumière ayant touché la pointe de nos armes

Il faudra y aller, camarade.

Noires sont les blessures au soleil qui a soif.

Que l'épée nous abrège : aucune immortelle, crois-moi,

Ne viendra salir ses pieds nus dans la sève de ceux qui

gisent.
Empoigne donc la terre et mords, si tu veux qu'un peu de

poussière
Ait pitié de ton ombre et se souvienne.
En haut je ne vois

pas
D'étoile qui déjà ne soit oubli, dur regard traversant

La fumée inutile des sacrifices.

Même les
Infernales

Se taisent, et nous sommes seuls avec l'heure qui rétrécit.

Mais le ruisseau qui sépare nos feux de l'autre armée

En bas chuchote encore et fait luire entre les roseaux

Ces hautes tremblantes lettres que je ne sais pas lire.



Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012

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