Poèmes

Le Singe

par Jean Orizet

Entre M'bour et Joal Fadiouth, au Sénégal, il est un restaurant, au bord de la route, où l'on s'arrête surtout pour voir le singe. Dans sa vaste et belle cage, il mène,
depuis des années, une vie paisible consacrée à l'observation du voyageur de passage. Rien de ce qui est humain ne lui est étranger, et bien que n'étant pas, a priori,
raciste, il sait adapter son comportement, selon qu'il s'adresse à un Noir ou à un Blanc: servilité, exhibitionnisme, réserve, exubérance ou mépris seront
dosés comme il convient.

A celui-là, il ne demandera rien ou presque, par esprit civique, nationalisme, sens de l'économie peut-être. De celui-ci, au contraire, il attendra beaucoup : cacahuètes,
fruits et desserts, pour ne donner, en retour, que pirouettes mesurées à la sympathie qu'il éprouve.

Le cas échéant, il sait faire preuve d'une totale indifférence envers le curieux, qui en est pour ses frais, et remonte dans sa voiture, convaincu de ce que le singe ne
possède pas cette intelligence qu'on lui prête généralement.

Si le naïf revenait sur ses pas, quelques minutes plus tard, il trouverait le singe occupé à se frapper les pectoraux — il les a fort développés — pour
témoigner de la jubilation qu'il éprouve à s'être fait prendre pour un idiot, par un homme plus bête que lui.



Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012

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