La mort, il ne peut, jamais la prendre sur le fait. D'où cet air absent, et. ce regard qui dément toujours les rides et la blancheur. Car il rentre à ce nid défoncé
qu'il appelle en-soi-même, au centre où l'être refuse le temps.
D'aucuns savaient, accotés à la mort, pousser leur corps en avant dans la difformité. Mais lui, le rescapé, comment croirait-il à la mort : il faudrait que les fleurs
qu'il parcourt lui sautent à la ceinture et le déchiquettent. Or il va sain et sauf par les champs inoffensifs. Il a perdu jusqu'au sommeil ingénieux qui prononçait de longs
oracles; la lucidité qu'il préfère lui a retiré la mémoire. Il somnambule au carrefour labile d'influences dissemblables, comme d'une chute de feuille dépourvue
presque de poids propre, au gré des vents qui soufflent ici ; ou plutôt de telle sorte que « l'ici » n'est jamais accordé, fugace, que comme croisement de vents
discontinus, intersection de bourrasques.
Chute interminable comme la vie dans l'espace sans site où l'occasion déchaîne des souffles sans origine, sans direction, qui se frôlent, s'emmêlent, s'épuisent.
La feuille s'oriente-t-elle dans la mêlée ? Est-ce que quelque chose grandit ?
Poème publié et mis à jour le: 15 November 2012