Il faut tenir un livre
Et de nos yeux le suivre
Ouvert sur nos genoux;
Il faut parler et rire
Ou qu'on m'entende lire;
Et quand ma voix expire
Vous frémissez pour nous.
Votre porte est peu close
Et de son rideau rose
Le voile est si léger
Qu'on entend toute chose,
Un fauteuil qui se pose,
Un soupir, une pause,
Et je suis l'étranger;
Et je suis la visite,
Et si ma voix hésite
Dans l'éternel babil,
Si par mon imprudence
Quelqu'un en défiance
Entendait mon silence,
Il dirait : «
Que fait-il ? »
Puisqu'on nous environne,
Sur un ton monotone
Je vais toujours parler,
J'aurai l'air de poursuivre,
Mais d'eux je me délivre.
Et c'est un autre livre
Que je vais dérouler :
C'est mon cœur, c'est mon âme,
C'est l'amour d'une femme
Dans un homme allumé;
Désir, délire, transe,
Ennui, rage, espérance,
Enfin... une démence
Qui vaut d'être enfermé.
Lisons, lisons, bel ange,
C'est un brûlant mélange
De baume et de poison
ui dans mon sang fermente;
u trembles, belle amante,
Et ta pâleur augmente,
Lisons toujours, lisons !
Sens-tu la terre émue ?
Ta chambre qui remue ?
Vois-tu pas l'ombre aux cieux ?
Le jour fuit la nature,
Où donc est ta ceinture ?
Va, poursuis ta lecture,
J'ai la nuit sur mes yeux.
Ah ! tes cheveux frémissent
Et malgré toi s'unissent
Aux cheveux de mon front;
Ah ! ta joue est brûlante
Sur ma lèvre tremblante;
Ah ! de ma fièvre lente
Que l'incendie est prompt!
Ils sont là qui m'écoutent,
Qui soupçonnent, qui doutent,
Ils sont tous, ils sont là.
Mais vaine est la contrainte,
Ton cœur a mon empreinte,
Et malgré notre crainte
Je t'ai dit tout cela.
Poème publié et mis à jour le: 12 July 2017