Dans une ménagerie
De volatiles remplie
Vivoient le
Cygne et l'Oison :
Celui-là destiné pour les regards du maître;
Celui-ci, pour son goût : l'un qui se piquoit d'être
Commensal du jardin; l'autre, de la maison.
Des fossés du château faisant leurs galeries.
Tantôt on les eût vus côté à côte nager,
Tantôt courir sur l'onde, et tantôt se plonger,
Sans pouvoir satisfaire à leurs vaines envies
Un jour le
Cuisinier, ayant trop bu d'un coup,
Prit pour oison le
Cygne; et le tenant au cou.
Il alloit l'égorger, puis le mettre en potage.
L oiseau, prêt à mourir, se plaint en son ramage.
Le
Cuisinier fut fort surpris,
Et vit bien qu'il s'étoit mépris. «
Quoi? je mettrois, dit-il, un tel chanteur en soupe!
Non, non, ne plaise aux
Dieux que jamais ma main coupe
La gorge à qui s'en sert si bien! »
Ainsi dans les dangers qui nous suivent en croupe
Le doux parler ne nuit de rien.
Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012