Poèmes

L'Aurore-Promise

par Jules Laforgue

Jules Laforgue

Vois, les
Steppes stellaires
Se dissolvent à l'aube....
La
Lune est la dernière À s'effacer, badaude.

Oh! que les cieux sont loin, et tout!
Rien ne prévaut!
Contre cet infini; c'est toujours trop nouveau!....

Et vrai, c'est sans limites !:...

T'en fais-tu une idée,

ô jeune
Sulamite

Vers l'aurore accoudée ?

L'Infini à jamais
I comprends-tu bien cela ?
Et qu'autant que ta chair existe un au-delà ?

Non; ce sujet t'assomme.
Ton
Infini, ta sphère.
C'est le regard de l'Homme,
Patron de cette
Terre.

Il est le
Fécondeur, le
Galant
Chevalier
De tes couches, la
Providence du
Foyer!

Tes yeux baisent
Sa
Poigne,
Tu ne te sens pas seule!
Mais lui bat la campagne
Du ciel, où nul n'accueille!....

Nulle
Poigne vers lui, il a tout sur le dos ;
Il est seul; l'Infini reste sourd comme un pot.

ô fille de la
Terre,
Ton dieu est dans ta couche !
Mais lui a dû s'en faire,
Et si loin de sa bouche!...

Il s'est fait de bons dieux, consolateurs des morts.
Et supportait ainsi tant bien que mal son sort,

Mais bientôt, son idée,
Tu l'as prise, jalouse !
Et l'as accommodée
Au culte de l'Épouse !

Et le
Déva d'antan,
Bon
Cœur de l'Infini
Est là.... — pour que ton lit nuptial soit béni!

Avec tes accessoires,
Ce n'est plus qu'une annexe
Du
Tout-Conservatoire
Où s'apprête
Ton
Sexe.

Et ces autels bâtis de nos terreurs des cieux

Sont des comptoirs où tu nous marchandes tes yeux!

Les dieux s'en vont.
Leur père
S'en meurt. — Ô
Jeune
Femme,

Refais-nous une
Terre
Selon ton corps sans âme !

Ouvre-nous tout
Ton
Sexe! et, sitôt, l'Au-delà
Nous est nul!
Ouvre, dis? tu nous dois bien cela..



Poème publié et mis à jour le: 12 July 2017

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