Poèmes

La Minutieuse

par Rene Char

René Char

L'inondation s'agrandissait.
La campagne rase, les talus, les menus arbres de'sunis s'enfermaient dans des flaques dont quelques-unes en se joignant devenaient lac.
Une alouette un ciel trop gris chantait.
Des bulles çà et là brisaient la surface des eaux, à moins que ce ne fût quelque minuscule rongeur ou serpent s'échappant à la nage.
La route encore restait intacte.
Les abords d'un village se montraient.
Re'solus et heureux nous avancions.

Dans notre errance il faisait beau.
Je marchais entre
Toi et cette
Autre qui était
Toi.
Dans chacune de mes mains je tenais serré votre sein nu.
Des villageois sur le pas de leur porte ou occupés à quelque besogne de planche nous saluaient avec faveur.
Mes doigts leur cachaient votre merveille.
En eussent-ils été choqués?
L'une de vous s'arrêta pour causer et pour sourire.
Nous continuâmes.
J'avais désormais la nature à ma droite et devant moi la route.
Un bœuf au loin, en son milieu, nous précédait.
La lyre de ses cornes, il me parut, tremblait.
Je t'aimais.
Mais je reprochais à celle qui était demeurée en chemin, parmi les habitants des maisons, de se montrer trop familière.
Certes, elle ne pouvait figurer parmi nous que ton enfance attardée.
Je me rendis à l'évidence.
Au village la retiendraient l'école et cette façon qu'ont les communautés aguerries de temporiser avec le danger.
Même celui d'inondation.
Maintenant nous avions atteint
Torée de très vieux arbres et la solitude des souvenirs.
Je voulus m'en-quérir de ton nom éternel et chéri que mon âme avait oublié : «Je suis la
Minutieuse. »
La beauté des eaux profondes nous endormit.



Poème publié et mis à jour le: 15 November 2012

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