Une machine
Singer dans un foyer nègre,
arabe, indien, malais, chinois, annamite,
ou dans n'importe quelle maison
sans boussole du tiers monde
c'était le dieu lare qui raccommodait
les mauvais jours de notre enfance.
Sous nos toits son aiguille tendait
des pièges fantastiques à la faim,
son aiguille défiait la soif.
La machine
Singer domptait des tigres
la machine
Singer charmait des serpents
elle bravait paludismes et cyclones
et cousait des feuilles à notre nudité.
La machine
Singer n'était pas tombée
des dernières pluies du ciel :
elle avait quelque part un père,
une mère, des tantes, des oncles,
et avant même d'avoir des dents pour mordre
elle savait se frayer un chemin de lionne.
La machine
Singer n'était pas toujours
une machine à coudre attelée jour et nuit
à la tendresse d'une fée sous-développée.
Parfois c'était une bête féroce
qui se cabrait avec des griffes
et qui écumait de rage
et inondait la maison de fumée
et la maison restait sans rythme ni mesure
la maison cessait de tourner autour du
Soleil
et les meubles prenaient la fuite
et les tables surtout les tables
qui se sentaient très seules
au milieu du désert de notre faim
retournaient à leur enfance de la forêt
Poème publié et mis à jour le: 15 November 2012