Poèmes

La Foret et le Bûcheron

par Jules Laforgue

Jules Laforgue

Un
Bûcheron venoit de rompre ou d'égarer
Le bois dont il avoit emmanché sa cognée.
Cette perte ne put sitôt se réparer
Que la
Forêt n'en fût quelque temps épargnée.

L'Homme enfin la prie humblement

De lui laisser tout doucement

Emporter une unique branche.

Afin de faire un autre manche : «
Il iroit employer ailleurs son gagne-pain;
Il laisseroit debout maint chêne et maint sapin
Dont chacun respectoit la vieillesse et les charmes. »
L'innocente
Forêt lui fournit d'autres armes.
Elle en eut du regret.
Il emmanche son fer :

Le misérable ne s'en sert

Qu'à dépouiller sa bienfaitrice

De ses principaux ornements.

Elle gémit à tous moments :

Son propre don fait son supplice.
Voilà le train du monde et de ses sectateurs :
On s'y sert du bienfait contre les bienfaiteurs.
Je suis las d'en parler.
Mais que de doux ombrages

Soient exposés à ces outrages.

Qui ne se plaindroit là-dessus!
Hélas! j'ai beau crier et me rendre incommode,

L'ingratitude et les abus

N'en seront pas moins à la mode.



Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012

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