Poèmes

L'huitre et les Plaideurs

par Jules Laforgue

Jules Laforgue

Un jour deux
Pèlerins sur le sable rencontrent

Une
Huître, que le flot y venoit d'apporter;

Ils l'avalent des yeux, du doigt ils se la montrent;

A l'égard de la dent il fallut contester.

L'un se baissoit déjà pour amasser la proie;

L'autre le pousse, et dit : «
Il est bon de savoir

Qui de nous en aura la joie.
Celui qui le premier a pu l'apercevoir
En sera le gobeur; l'autre le verra faire.


Si par là l'on juge l'affaire.

Reprit son compagnon, j'ai l'œil bon,
Dieu merci.


Je ne l'ai pas mauvais aussi.

Dit l'autre; et je l'ai vue avant vous, sur ma vie. —
Eh bien! vous l'avez vue; et moi je l'ai sentie. »

Pendant tout ce bel incident,
Pcrrin
Dandin arrive : ils le prennent pour juge.
Perrin, fort gravement, ouvre l'Huître, et la gruge,

Nos deux
Messieurs le regardant.
Ce repas fait, il dit d'un ton de président : «
Tenez, la cour vous donne à chacun une écaille
Sans dépens, et qu'en paix chacun chez soi s'en aille. »

Mettez ce qu'il en coûte à plaider aujourd'hui;
Comptez ce qu'il en reste à beaucoup de familles,
Vous verrez que
Perrin tire l'argent à lui.
Et ne laisse aux plaideurs que le sac et les quilles.



Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012

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