Un jour deux
Pèlerins sur le sable rencontrent
Une
Huître, que le flot y venoit d'apporter;
Ils l'avalent des yeux, du doigt ils se la montrent;
A l'égard de la dent il fallut contester.
L'un se baissoit déjà pour amasser la proie;
L'autre le pousse, et dit : «
Il est bon de savoir
Qui de nous en aura la joie.
Celui qui le premier a pu l'apercevoir
En sera le gobeur; l'autre le verra faire.
—
Si par là l'on juge l'affaire.
Reprit son compagnon, j'ai l'œil bon,
Dieu merci.
—
Je ne l'ai pas mauvais aussi.
Dit l'autre; et je l'ai vue avant vous, sur ma vie. —
Eh bien! vous l'avez vue; et moi je l'ai sentie. »
Pendant tout ce bel incident,
Pcrrin
Dandin arrive : ils le prennent pour juge.
Perrin, fort gravement, ouvre l'Huître, et la gruge,
Nos deux
Messieurs le regardant.
Ce repas fait, il dit d'un ton de président : «
Tenez, la cour vous donne à chacun une écaille
Sans dépens, et qu'en paix chacun chez soi s'en aille. »
Mettez ce qu'il en coûte à plaider aujourd'hui;
Comptez ce qu'il en reste à beaucoup de familles,
Vous verrez que
Perrin tire l'argent à lui.
Et ne laisse aux plaideurs que le sac et les quilles.
Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012