Journée de miel ô oui
Un bain d’automne
Une source isolée
Tout y brille
Une vraie fête
Je trouve une télé 65 pouces usagée à vendre
À l’autre bout de la ville
Mon cousin vient m’aider avec sa petite voiture
Il la surnomme Baby Yoda
La voiture crie chaque fois qu’il tourne le volant
De la rouille sur quatre roues
De la rouille patchée aux feuilles d’automne
Un flambeau qui fait ses stops
Deux voyous au soleil
Sur le trottoir
On ne marche pas
On lévite un peu
Les seuls à être libres un jour de la semaine
En plein milieu de l’après-midi
Encore en joggings
Nos tatouages de prison
et mon vieux chandail d’Iron Maiden
Deux samouraïs déshonorés
Il y a les attentes
Il y a la réalité
Le trou dans mon jogging
Le trou sur ma jambe droite
La télé entre dedans
La télé dépasse du coffre
Le coffre ne ferme pas
Le vent fait lever et descendre la porte du coffre
Je tiens le téléviseur à bout de bras
On passe par les petites rues
Mon cousin connaît un bon chemin
On passe devant un poste de police
On rit
Les deux samouraïs déshonorés
Les deux samouraïs qui n’ont pas de job
Nous sommes tous les deux la mouche sur la tête de Mike Pence
Engraissés au baloney et aux petits pois verts sur l’avenue du Cellier
La porte du coffre qui nous a fermé sur la tête à huit ans
La porte du coffre qui tape sur le téléviseur
Je pense à tous les examens de maths que j’ai ratés
Je ne sais pas pourquoi je pense à l’algèbre en ce moment
Je ne sais pas pourquoi c’est dur de tenir une télé dans le vent
Je ne me souviens de rien
Toutes les notes que j’ai prises
et qui n’ont servi à rien
Les atomes
Les molécules
Le cours de géographie
Je ne sais pas où je suis
J’ai dépassé le poste de police
Je n’ai rien retenu
Tout ce chemin parcouru pour tenir une télé à bout de bras
Nous sommes tous les deux des poissons dans un aquarium
Toujours à manger la même chose
Toujours à dire les mêmes choses
Toujours l’eau sale
Chaque matin
Ma blonde regarde dans l’aquarium
pour voir si je bouge encore au fond de l’eau
Je vois de la lumière dans le trou de mon jogging
Quelqu’un a allumé la lampe du salon
Quelqu’un est mort
Quelqu’un est heureux
Le rire niaiseux de mon cousin
Il crie :
Lâche pas
Il crie :
Check la couleur tomber
en pointant les feuilles se détacher des arbres
Il y a quelque chose dans l’automne
Il faut vivre chaque fois
Chaque rayon de lumière comme une tape dans le dos
Une autre fête
La kalachnikov tatouée sur le ventre mon cousin
Le flasher qu’il ne met pas
et qu’il n’a jamais mis
Le flambeau éteint en face de mon appart
Tous les deux dans la rue
On contemple la télé
Le sourire fendu jusqu’aux oreilles de mon cousin
Trop fier de m’avoir aidé
Il dit :
C’est pas tous les jours que je vois un poète
en entourant son bras autour de ma nuque
Le tigre tatoué sur son crâne rasé
On ne marche pas
On lévite un peu.
Poème publié et mis à jour le: 18 October 2022