Poèmes

L’Automne en Kalachnikov

par Jean-Christophe Réhel

AutomneJean-Christophe Réhel

Journée de miel ô oui
Un bain d’automne
Une source isolée

Tout y brille
Une vraie fête

Je trouve une télé 65 pouces usagée à vendre
À l’autre bout de la ville
Mon cousin vient m’aider avec sa petite voiture
Il la surnomme Baby Yoda

La voiture crie chaque fois qu’il tourne le volant
De la rouille sur quatre roues

De la rouille patchée aux feuilles d’automne
Un flambeau qui fait ses stops

Deux voyous au soleil
Sur le trottoir

On ne marche pas
On lévite un peu

Les seuls à être libres un jour de la semaine
En plein milieu de l’après-midi
Encore en joggings

Nos tatouages de prison
et mon vieux chandail d’Iron Maiden
Deux samouraïs déshonorés

Il y a les attentes
Il y a la réalité

Le trou dans mon jogging
Le trou sur ma jambe droite

La télé entre dedans
La télé dépasse du coffre

Le coffre ne ferme pas
Le vent fait lever et descendre la porte du coffre

Je tiens le téléviseur à bout de bras
On passe par les petites rues

Mon cousin connaît un bon chemin
On passe devant un poste de police

On rit
Les deux samouraïs déshonorés

Les deux samouraïs qui n’ont pas de job
Nous sommes tous les deux la mouche sur la tête de Mike Pence

Engraissés au baloney et aux petits pois verts sur l’avenue du Cellier
La porte du coffre qui nous a fermé sur la tête à huit ans
La porte du coffre qui tape sur le téléviseur

Je pense à tous les examens de maths que j’ai ratés
Je ne sais pas pourquoi je pense à l’algèbre en ce moment
Je ne sais pas pourquoi c’est dur de tenir une télé dans le vent
Je ne me souviens de rien

Toutes les notes que j’ai prises
et qui n’ont servi à rien
Les atomes

Les molécules
Le cours de géographie

Je ne sais pas où je suis
J’ai dépassé le poste de police
Je n’ai rien retenu
Tout ce chemin parcouru pour tenir une télé à bout de bras
Nous sommes tous les deux des poissons dans un aquarium

Toujours à manger la même chose
Toujours à dire les mêmes choses
Toujours l’eau sale
Chaque matin

Ma blonde regarde dans l’aquarium
pour voir si je bouge encore au fond de l’eau
Je vois de la lumière dans le trou de mon jogging

Quelqu’un a allumé la lampe du salon
Quelqu’un est mort
Quelqu’un est heureux
Le rire niaiseux de mon cousin

Il crie :
Lâche pas

Il crie :
Check la couleur tomber

en pointant les feuilles se détacher des arbres
Il y a quelque chose dans l’automne
Il faut vivre chaque fois

Chaque rayon de lumière comme une tape dans le dos
Une autre fête

La kalachnikov tatouée sur le ventre mon cousin
Le flasher qu’il ne met pas
et qu’il n’a jamais mis
Le flambeau éteint en face de mon appart

Tous les deux dans la rue
On contemple la télé

Le sourire fendu jusqu’aux oreilles de mon cousin
Trop fier de m’avoir aidé
Il dit :
C’est pas tous les jours que je vois un poète
en entourant son bras autour de ma nuque

Le tigre tatoué sur son crâne rasé
On ne marche pas

On lévite un peu.



Poème publié et mis à jour le: 18 October 2022

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