C'est l'heure de la rentrée des vignes et des abreuvoirs, l'heure dernière. Les puits sont vides, et il y a une fourrure de tourterelles au bord des hangars, un liséré de
satin comme une neige rouge aux très anciens costumes qui se penchent aux croisées, sous ces nuques d'oiseaux de proie — sous les porches battants passent des vents
étrangers, qui sentent les chaumes et les palmes — les chars s'encapu-chonnent — on a froid ici — des odeurs creusent des faims étranges sous les tilleuls et les
abeilles, des pains dorés fléchissent les tables de la cuisine. On entend des clameurs et des appels très tard, du côté des clairières rouges, au large de la
maison vide où chante la bouilloire oubliée sur les braises calmes. Le sommeil des persiennes sur l'aquarium de la chambre basse ranime doucement le globe aux fleurs d'orange comme un
œuf nocturne au creux des chaumes, la main qui tisonne le loquet de fer, l'horloge qui éclabousse l'enclume du silence. Le marécage et le clair de lune brouillé des
étables festonnent la nuit fleurie qui monte du creux des armoires, le parfum de grotte et de suaire moisi, le terrier rèche du lit de ménage, la nudité mystique de
l'épouse auprès du lis consolateur des nuits noires.
Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012