Poèmes

Élégie Vi - Élégie

par Clément Marot

Le plus grand bien qui soit en amitié,
Après le don d'amoureuse pitié.
Est s'entr'écrire, ou se dire de bouche,
Soit bien, soit deuil, tout ce qui au cœur touche ;
Car si c'est deuil, on s'entreréconforte.
Et si c'est bien, sa part chacun emporte.
Pourtant je veux, ma mie et mon désir,
Que vous ayez votre part d'un plaisir,
Qui en dormant l'autre nuit me survint.

Avis me fut que vers moi tout seul vint
Le dieu d'amours, aussi clair qu'une étoile,
Le corps tout nu, sans drap, linge, ni toile,
Et si avait, afin que l'entendez,
Son arc alors, et ses yeux débandés,
Et en sa main celui trait bienheureux,
Lequel nous fit l'un de l'autre amoureux.

En ordre tel, s'approche, et me va dire : «
Loyal amant, ce que ton cœur désire,
Est assuré ; celle qui est tant tienne,
Ne t'a rien dit, pour vrai, qu'elle ne tienne ;
Et, qui plus est, tu es en tel crédit,
Qu'elle a foi ferme en ce que lui as dit. »

Ainsi
Amour parlait, et en parlant
M'assura fort.
Adonc en ébranlant

Ses ailes d'or en l'air s'en est volé,

Et au réveil je fus tant consolé,

Qu'il me sembla que du plus haut des cieux

Dieu m'envoya ce propos gracieux.

Lors pris la plume, et par écrit fut mis
Ce songe mien que je vous ai transmis,
Vous suppliant, pour me mettre en grand heur,
Ne faire point le dieu d'amours menteur ;
Mais, tout ainsi qu'il m'en donne assurance,
En votre dire ayez persévérance ;
Croyant toujours que les propos et termes
Que vous ai dits sont assurés et fermes.

En ce faisant pourrai bien soutenir,
Que songe peut sans mensonge advenir :
Et si dirai la couche bienheureuse,
Où je songeais chose tant amoureuse.
O combien donc heureuse elle sera
Quand ce gent corps dedans reposera !



Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012

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