Pasolini, je n'aurai connu
ni les pauvres chats du
Colisée
Ni les cendres de
Gramsci près de la tombe de
Shelley
au cimetière des
Anglais
Ni l'herbe des déserts d'Ostie où de louches
ombres jouissent et tuent
Pasolini je n'ai pas été avec des garçons
Ni fait aucun film
Je ne suis pas mort assassiné
(on ne sait jamais)
Mais j'ai tenu tant d'autres jeunes corps
sous mon souffle
Que je suis devenu ton frère
J'ai tellement regardé tes films et ceux des
Italiens
aimés et détestés de toi
Que je suis devenu ton chef opérateur idéal
et ton critique vindicatif
J'ai imaginé pour ma seule personne tant de morts
lentes et violentes
Que je suis mort avec toi dans l'herbe rare
et les déserts fuligineux du
Tibre
La tête écrasée à coups de pierres
Sur ta tête et ton torse en bouillie ensanglantée
Pier
Paolo lève les yeux sur moi
par-dessus la mort
Et regarde-moi comme ton frère
Toi le
Romain mort dans le delta sale
de
Rome
Toi venu de
Rome dont j'étudiais la langue
aimée et ancienne au collège
Et sache aussi par-dessus le rivage de la mort
Que j'ai appris à lire ta poésie en italien
Pour être plus près de toi dans ta vie et dans la mort
ces dernières années sous le fouet de tes mots
Comme avec les miens si souvent autodestructeurs
et fertiles en dur amour
Pier
Paolo j'ai aimé ton saint
Matthieu
Parmi tous les films que j'ai vus avec
Mort à
Venise
et
Le
Vent de la
Plaine de
Huston
Mais peut-être n'aimes-tu ni
Visconti ni
l'Américain
Peut-être n'aimes-tu que ton tourment
Dans ton église irrespirable si loin de
Saint-Pierre
Avec les talus l'herbe creuse les coups de l'Envers
Et peut-être aussi le
Christ,
Pier
Paolo
Si tu te retrouves seul et enragé
à la venue du soir
Dans
Rome encore rougie de solitude et de dérives
Et toi l'absent plus fort au monde
qu'un prophète
Toi
Pier
Paolo tu réclames à chacun de tes pas
le martyre À chaque respiration la sainteté
Et tu es entendu
Pier
Paolo
Tu vois,
Christ t'aime tu es exaucé
L'envoyé t'écrase la tête au moment venu
J uste au moment voulu
Pier
Paolo
Pour que tu puisses apercevoir le sourire de l'ange
sur la bouche de ta mère
Au dernier instant la dernière goutte de salive
Sur sa bouche qui luit comme le reflet du monde
désert
Que tu quittes maintenant
Pier
Paolo
Loin des poèmes de toi que je lis
des haïs des pardonnes des lambeaux de vie
Enfin pour l'autre côté du terrain vague
Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012