Gueulard qui ne gueulait plus, le sergent, je le fourrais dans le plâtre.
Gueule qui allait rejoindre le cimetière de gueu-gueules que je laisse derrière moi, dans le cimetière de plâtre où ils sont « pris » en pleine invective, en
pleine scène les femmes, en pleine malédiction les parents, en pleine réprimande les pions et la race des préposés à la discipline.
Quand, enfant, je vis pour la première fois prendre le plâtre, j'eus un choc et j'entrai en méditation.
Je ne pouvais me détacher du spectacle.
Ce n'était encore qu'un spectacle, mais je sentais obscurément, à la façon dont j'en eus l'esprit saisi jusqu'aux reins, qu'il y avait là quelque chose, dont j'aurais
moi aussi à me servir un jour.
En ai-je immobilisé des empêcheurs agités, des assoiffés de commandement, des coqs de village ou d'assemblée ou de parti ou même de salon — y employant plus
de plâtre que n'en commanda jamais médecin de montagne, en pleine saison de skis, lorsque des sots présomptueux se mettent à vouloir changer de style en pleine descente,
dans la neige brillante et porteuse, (et qui les portera de toute façon, même les deux jambes cassées).
...
Ne parlons pas de casse, mais d'immobilisation.
De paix.
Merveilleuse, profonde, étale.
Sans plus aucun désir.
Oui, je l'aurai connue.
Tout homme, même s'il est de tempérament lymphatique, n'en peut dire autant.
Moi même, je ne l'eusse pas obtenue pareille sans le plâtre.
Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012