Poèmes

Chanson de Gabiers

par Jules Verne

Joyeux matelots
Qui cherchez la dune
Au milieu des flots,
Montez dans la hune !

En montant à bord,
Vous voyez naguère,
En pleurs sur le port
Une tendre mère.

De sa faible main
Salut elle donne
A son fils marin,
Qui part, l'abandonne.

Puis dans son adieu
A la sainte
Vierge
Elle fait le vœu
De brûler un cierge,

Si son pauvre fils
Sauvé de l'orage,
Revient au pays,
Revient au rivage.

Et puis chaque matin
Après sa prière,
Elle dit : demain
Il verra sa mère !

Joyeux matelots
Qui cherchez la dune
Au milieu des flots,
Montez à la hune !

Puis avec un œil

Tout mouillé de larmes,

Le marin en deuil,

Au cœur plein d'alarmes,

En quittant le port,
Pour un long voyage,
Vit par le sabord
S'enfuir le rivage.

Sur le haut d'un roc
Vit sa fiancée ;
Son cœur fit toc-toc :
Elle était aimée !

De l'aimer autant
Que son bon navire,
Il fit le serment !
Le navire vire !

Joyeux matelots
Qui cherchez la dune
Au milieu des flots,
Montez à la hune !

Que le bâtiment,i
Couvert de sa voile
Fasse dans le vent
Bien prendre la toile !

Déployez aussi
Jusqu'à la bonnette,
Un bon vent mugit
Dans la girouette !

Le vent est parfait !
Le navire glisse :
Du grand perroquet
Halez sur la drisse !

Et pour mieux marcher,
Que la brigantine
Qui fait tant pencher
Sur l'eau nous incline.

Bien ! tout est paré !
Et le capitaine
De joie a juré !
Il était en veine !

Et des quatre doigts
Augmentés du pouce,
Il a douze fois
Calotte le mousse !

Alors tout va bien,
C'est signe de joie
Sous son mât qui tient,
Le navire ploie !

Puisque l'officier
A de la dunette,
Sûr de son quartier,
Braqué la lunette.

Joyeux matelots
Qui cherchez la dune
Au milieu des flots,
Montez à la hune !

Le pouvoir maintenant regrette
Que
Praslin sans être jugé
Soit mort ; car il se faisait fête
D'un procès longtemps allongé.
Dans ce moment où l'on accuse,
Il eût détourné les esprits,
Et servi par sa bonne ruse,
Eut obtenu quelques répits.
Par là prévenant l'estocade,
Qu'on se prépare à lui porter !
En cela c'était
Alcibiade,
Qu'il semblait vouloir imiter ' :
Paris, la
France, sa banlieue,
Tournant l'œil d'un autre côté,
C'eût été la fameuse queue
De ce chien de l'antiquité !



Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012

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