Un poète est celui qui fait des poèmes
Un poème est la forme que prend la poésie
Mais qu'est-co que c'est qu'est-ce que c'est la poésie
Cette chose en moi cette chose en dehors de moi
Et d'abord comme si c'était appeler les choses
Par un nom qui leur ressemble et qui n'est pas le leur
Et soudain comme si c'était appeler les choses
Justement de ce bizarre nom qui est lo leur
Le linge de couleur qui sèche à la mansarde des mots
J'ouvre la fenêtre et le jardin dans la pièce entre
S'assied et croise les jambes
Ou bien des voix qui s'éloignent claires et fortes dans l'étonnement du matin
Ou des signes sur un mur que je ne comprends pas
On purge les mineurs de diamants pour voir s'ils n'en ont pas avalé
On met de l'ardoise dans la terre au pied de l'hortensia pour le rendre bleu
Et quand on est à bout de paroles il y a
Ce que tu fais à une femme enfin doucement qu'elle gémisse
Ou ton cœur déchiré mais as-tu seulement jamais vu ton cœur
Ces paroles pour toi seul tout à coup que tout le monde a surpris
La honte devant un passant d'avoir parlé à voix haute
Et pour faire semblant d'avoir chanté
Vite tu mettras par-ci par-là la frime d'une rime
Car l'homme est rassuré quand il entend l'écho
Les coqs de l'écho
Mais s'il avait seulement saisi que tu disais
Ce qui me tue
Ce sont
Maman les choses tues
Il t'aurait cependant regardé de travers
Car il ne sait pas plus que toi ce que c'est que la poésie
Peut-être est-elle cet assassin recherché
Que va trahir une blessure
Demandez à ceux qui l'ont vu son front sa bouche et ses chaussures
Et nous allons la prendre à son portrait-robot
Elle aura de
Byron le pied bot les cheveux non beurrés de
Rimbaud
Les yeux crevés d'Homère
Continuez sans moi jusqu'à satiété
Ce ravissant petit jeu de société
J'ai souvent essayé de m'imaginer la poésie
Comme le poing fermé qu'on glisse dans une chaussette
Histoire de voir s'il faut la repriser
Ou la grimace d'un enfant à soi-même dans la glace
J'ai souvent essayé de m'imaginer la poésie
Comme la pêche à l'écrevisse
Un chiffon rouge entre les pierres du ruisseau
Ou l'étincellement nocturne d'un passage clouté
Dans une ville déserte
Ou le geste subit vers le ciel d'une charrette à bras
J'ai vainement essayé de m'imaginer la poésie
On dit pourtant de moi que je suis un poète
Aussi fais-je des vers/par persuasi-on
Le jour se lève-t-il si chante l'alouette
Ou tout autre oisillon
J'ai demandé la poésie au téléphone
Il n'y a pas d'abonné au numéro que vous demandez
J'ai demandé la poésie à l'éclat des armes
Inconnue au régiment
J'ai demandé la poésie au fond d'un verre
Et la soif ne m'est point passée
J'ai demandé la poésie à toutes les portes
On m'a dit
Madame est sortie
Et moi que voulez-vous que je devienne
Comme un qui s'est endormi sur l'escalier roulant
Il saute drôlement à la dernière marche
On ferme les grands magasins
J'irai donc me laver dans la parole amère
Je lancerai galets sur galets dans la mer
Au bout d'une jetée au clignotement des phares
J'offrirai dans la rue aux fenêtres
Des oiseaux morts au bout d'un bâton
Je crierai
Chiffons chiffons dans l'aurore
Je m'allongerai comme le soleil sur les bancs de midi
N'y a-t-il pas pour celui qui chante chez les sourds
Un strapontin dans le métro
J'ai rencontré la folie aux bords de la
Seine
Tout le monde lui faisait des compliments
Je n'ai pas aimé sa coiffure
Avec ses belles dents mise à la dernière mode
Je n'ai pas trouvé le crime si charmant que tout ça
J'entrerais bien m'asseoir le soir dans les églises.
J'ai demandé la poésie au carrefour
Il paraît qu'elle était occupée
Occupée à quoi nul ne me l'a dit
Je suis le pauvre qui mendie
Par charité mes bons
Messieurs la poésie
Plus souvent dit l'un d'eux car tu irais la boire
Poème publié et mis à jour le: 15 November 2012