Quand la mort a tranché les grandes destinées
Un jour plus beau se lève et luit sur leurs années,
Tout ce qui d'un grand homme ici nous est resté
S'épure au feu sacré de l'immortalité,
Comme si les rayons de la vie éternelle
Eclairaient sa mémoire en descendant sur elle...
Son génie était las des gloires de la lyre,
Et déjà, dédaignant cet impuissant délire,
Quittant le luth divin qu'il vouait à l'enfer,
Sa main impatiente avait saisi le fer.
Deux couronnes sont tout dans les fastes du monde :
Orné de la première, il voulait la seconde;
Il allait la chercher au pays du laurier,
Et le poète en lui faisait place au guerrier.
Il tombe au premier pas, mais ce pas est immense.
Heureux celui qui tombe aussitôt qu'il commence!
Heureux celui qui meurt et qui ferme des yeux
Tout éblouis encor de rêves glorieux !
Il n'a pas vu des siens la perte ou la défaite.
Il rend au milieu d'eux une âme satisfaite;
Et s'exhalant en paix dans son dernier adieu,
Le feu qui l'anima retourne au sein de
Dieu.
A l'éternel foyer
Dieu rappelle ton âme;
Tu le sais, à présent, d'où venait cette flamme
Qui, prenant dans ton cœur un essor trop puissant,
A dévoré ton corps et brûlé tout ton sang.
Peut-être, parvenue à l'âge des douleurs,
Vierge encore au berceau, née entre deux malheurs,
Connaissant tout son père et fuyant sa famille,
Devant ce cœur brisé viendra tomber sa fille;
Et quand le luth muet et le fer paternel
Auront reçu les pleurs de son deuil éternel,
Sa voix douce, évoquant une mémoire amère,
Y chantera l'adieu qu'il chanta pour sa mère.
Poète-conquérant, adieu pour cette vie!
Je regarde ta mort et je te porte envie;
Car tu meurs à cet âge où le cœur, jeune encor,
De ses illusions conserve le trésor.
Tel, aux yeux du marin, le soleil des tropiques
Se plonge tout ardent sous les flots pacifiques,
Et, sans pâlir, descend à son nouveau séjour
Aussi fort qu'il était dans le milieu du jour.
Poème publié et mis à jour le: 12 July 2017