Poèmes

Vœux

par Idriss Issa

Pour toi femme dont je n'ai pas encore enjambé le seuil : la

rose de fatigue, les arcades de mon âme, le ciel de mon front,

les lanternes de mon pas, les épis de ma paume, les lunes de

ma tête, le cheval revenu d'une guerre (personne n'est revenu

de ses tranchées) et qui s'est logé dans ma mémoire tel un nid

de guêpes

Descends maintenant dans mon puits et jette tes cailloux, tes

agates, les éclairs de tes bagues païennes, couvre mon corps

de ton nuage arabe

Le large est une lance et la ville une muraille

Si mon feu m'assiège, je marcherai vers le feu qui couve

(je suis une oasis : abeilles et oiseaux répandent sa verdure

jusqu'à l'horizon)

Je pourrai verser toutes les cruches de mon vin

sur le nombril de la terre

dresser une table pour le temps

avec ce qui sert de dîner à la mer

(Je suis l'enfant sanguinaire, j'ai détrôné mon père

et me suis acharné à le tuer

puis j'ai fait allégeance au vent du large

J'ai intronisé mes langues

sur les décombres des palais

J'ai exprimé en dansant au bord du feu

ce que les tribus n'ont pas dit à la terre

J'ai rapproché de la nuit sept fauves, invoqué

le nom de la haute cendre

et rendu sa liberté à mon fleuve captif)

Maintenant, je vais dormir un temps et me réveiller dans le délire du prophète



Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012

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