Pour toi femme dont je n'ai pas encore enjambé le seuil : la
rose de fatigue, les arcades de mon âme, le ciel de mon front,
les lanternes de mon pas, les épis de ma paume, les lunes de
ma tête, le cheval revenu d'une guerre (personne n'est revenu
de ses tranchées) et qui s'est logé dans ma mémoire tel un nid
de guêpes
Descends maintenant dans mon puits et jette tes cailloux, tes
agates, les éclairs de tes bagues païennes, couvre mon corps
de ton nuage arabe
Le large est une lance et la ville une muraille
Si mon feu m'assiège, je marcherai vers le feu qui couve
(je suis une oasis : abeilles et oiseaux répandent sa verdure
jusqu'à l'horizon)
Je pourrai verser toutes les cruches de mon vin
sur le nombril de la terre
dresser une table pour le temps
avec ce qui sert de dîner à la mer
(Je suis l'enfant sanguinaire, j'ai détrôné mon père
et me suis acharné à le tuer
puis j'ai fait allégeance au vent du large
J'ai intronisé mes langues
sur les décombres des palais
J'ai exprimé en dansant au bord du feu
ce que les tribus n'ont pas dit à la terre
J'ai rapproché de la nuit sept fauves, invoqué
le nom de la haute cendre
et rendu sa liberté à mon fleuve captif)
Maintenant, je vais dormir un temps et me réveiller dans le délire du prophète
Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012