Poèmes

Sonnets Posthumes

par Pierre de Ronsard

Je n'ai plus que les os, un squelette je semble,

Décharné, dénervé, démusclé, dépulpé,

Que le trait de la
Mort sans pardon a frappé :

Je n'ose voir mes bras que de peur je ne tremble.

Apollon et son fils, deux grands maîtres ensemble.
Ne me sauraient guérir ; leur métier m'a trompé,
Adieu, plaisant
Soleil! mon œil est étoupé,
Mon corps s'en va descendre où tout se désassemble.

Quel ami me voyant à ce point dépouillé
Ne remporte au logis un œil triste et mouillé,
Me consolant au lit et me baisant la face,

En essuyant mes yeux par la
Mort endormis?
Adieu, chers compagnons, adieu, mes chers amis,
Je m'en vais le premier vous préparer la place.

&&&

Il faut laisser maisons et vergers et jardins,
Vaisselles et vaisseaux que l'artisan burine,
Et chanter son obsèque en la façon du
Cygne,
Qui chante son trépas sur les bords
Méandrins.

C'est fait, j'ai dévidé le cours de mes destins,
J'ai vécu, j'ai rendu mon nom assez insigne,
Ma plume vole au ciel pour être quelque signe,
Loin des appas mondains qui trompent les plus fins.

Heureux qui ne fut onc, plus heureux qui retourne
En rien, comme il était, plus heureux qui séjourne,
D'homme, fait nouvel ange, auprès de
Jésus-Christ,

Laissant pourrir çà-bas sa dépouille de boue,
Dont le
Sort, la
Fortune, et le
Destin se joue,
Franc des liens du corps pour n'être qu'un esprit.



Poème publié et mis à jour le: 15 November 2012

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