A
Savannah les pendus ont des bagues
des anneaux d'or sans fin qui enlacent à leurs doigts
le cerne inéluctable des vengeances animales
quand les corps ne sont plus que des boutiques ouvertes
aux marchandages d'oiseaux
Les portefaix se lassent
et leurs bras abandonnent les fardeaux
ballots de jours ficelés dans de mauvaises toiles à
matelas
Les quais s'étirent
et ce sont de longues dalles de hantise pavés-fantômes dont chaque aspérité est le souvenir d'un os
L'équipage gémissait
La fatigue s'échappait des gosiers avec les malurés
sauvages
Des coups de rame cotonneux poussaient avec peine le
vaisseau vers la région des couches atmosphériques les plus pâles
celle dont les feuillets ont une transparence végétale
une structure de brouillard
aussi ténue que des squelettes de roseaux
Le navire avançait
mais le pilote laissait derrière traîner ses regards
lignes plus sombres que les vagues
ornières humides tracées par les roues cahotantes du
chariot de ses yeux dont la marche perpendiculaire se serait peut-être
essayée autrefois coup de poignard à trancher l'horizon l'horizon rond comme une bague
Mais aujourd'hui le capitaine n'est plus très jeune
les voiles vieillissent
la mer se fane
les morts maigrissent dans la cale sèche des prières
c'en est fini de tous les remous d'eau
Dans les îlots
pourrissent les huttes
qui abritaient ces filles ténébreuses
dont les cartilages obscurs étaient des flûtes
ne jouant jamais que des airs infernaux
Aux grandes vergues du monde
pendent des cadavres constellés d'yeux de bêtes maritimes
de bouches aux dents plus dures que des gemmes métalliques
bouches dorées par la saveur des châtiments dont la
fatalité égale celle des chutes où se fracassent les rivières et les
lacs grands murs liquides de douleur que tant de forbans s'épuisent à diviser de leur couteau
Poème publié et mis à jour le: 15 November 2012