Poèmes

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par Michel Leiris

Rentré chez lui le voyageur nettoie ses bottes

ses yeux striés du sang des paysages puis de ses doigts noircis feuillette un livre bouquet de faits mal liés

cousus d'un fil forcément blanc que ne traverse aucun délire

Dans le roc

l'éclatement de la source fière et calme

tendait la cruche des oublis

coup de canon lointain dont le tonnerre se penche

à l'orée de l'oreille

pour évaluer la profondeur de ce puits de silence

Est-ce aujourd'hui que les hommes s'en iront hors des maisons

avec des paumes en feu et des bouches carnivores?
Est-ce aujourd'hui que les couleurs humaines dévoreront le vert des bois et des pacages de mort?

En bel orage tranquille la vie remonte par-dessus l'horizon
Les plantes paissent le suc des pierres les gouttes d'eau suintent dans les prisons

Rentré chez lui le voyageur

se lave les mains

rallume sa pipe éteinte

tend les deux poings

à l'avenir qui lui remet ses lourdes chaînes de silence

puis il se couche le voyageur

puis il s'endort

et dort et dort et dort



Poème publié et mis à jour le: 15 November 2012

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