Poèmes

Les Yeux

par Sully Prudhomme

Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux,

Des yeux sans nombre ont vu l’aurore ;

Ils dorment au fond des tombeaux,

Et le soleil se lève encore.

Les nuits, plus douces que les jours,

Ont enchanté des yeux sans nombre ;

Les étoiles brillent toujours,

Et les yeux se sont remplis d’ombre.

Oh ! qu'ils aient perdu leur regard,

Non, non, cela n’est pas possible !

Ils se sont tournés quelque part

Vers ce qu’on nomme l’invisible ;

Et comme les astres penchants

Nous quittent, mais au ciel demeurent,

Les prunelles ont leurs couchants,

Mais il n’est pas vrai qu’elles meurent.

Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux,

Ouverts à quelque immense aurore,

De l’autre côté des tombeaux

Les yeux qu’on ferme voient encore.



Poème publié et mis à jour le: 16 November 2012

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