U N grand palais aux corridors nuageux — par-devant des perspectives de soleil et de brumes, ce plain-chant matinal du soleil sur les bancs de brouillard qui se déchirent aux pointes
des phares, un novembre perpétuel d'averses chantantes, d'oiseaux perdus qui d'un seul cri débarrassent le large, — par-derrière une pelouse domestique avec volière et
vue de gazomètre — je me retirais là pour des semaines, pour des vacances libres, des parties de plaisir, de seul à seul multipliés comme un jeu de glaces, comme des
perspectives en trompe-l'œil.
Les méandres des corniches s'accommodaient de ce jour spécial des monuments battus par les marées. Le seul mobilier était de sextants, de sphères méridiennes,
d'astrolabes faussés et en général tout ce qui peut jeter un doute pour une cervelle pensante sur la prévision accablante d'une suite de jours par trop conforme à
l'index du calendrier. Par les jours de soleil trop cru, on étalait sur des espars une tapisserie de brumes, à l'aplomb architectural des moulures pendait à sécher la belle
lessive des trois-mâts longs courriers, un luxe de batistes lourdes comme des brocarts, de vélums fantomatiques, et, gonflé, pansu, énorme comme l'armoire vernie de la coque
d'où jaillissent les suaires géants du beau temps, le palais voguait sur un entredeux de planètes, un éther fécondé de béantes mamelles blanches, de cumulus
de toiles, d'un maëlstrom claquant de blancheurs, l'impudeur géante d'un lâcher de voiles de mariée.
Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012