Poèmes

L'Ennemi

par Jacques Chessex

Jacques Chessex

Si je donne l'herbe au vent

dit l'Origine
Je ne lui fais pas cadeau magistral
Il s'en moque, il la prend de toute façon
L'herbe est au vent, puis l'herbe encore

d'âge en âge
Avant la grotte de la
Bête

elle est au souffle, à l'écriture
Du vent d'avant, au ratissement, à l'écrasement
Dans l'haleine furieuse et suave

au passage du vent qui rit de ma loi

Si je fais cadeau de la pluie, du sable

de l'herbe au vent qui se moque de l'Origine

La pluie, le sable, l'herbe rient au vent millénaire

Le maître de leur désobéissance

L'amant d'avant mon décalogue et mes prophètes

J'ai beau légiférer et surveiller

menacer de ma vieille
Bouche

L'herbe, le sable et tous les autres cèdent à son pouvoir haïssable

Mais qui est le vent dit l'Origine
Je ne vois plus l'herbe ni la pluie

ni les derniers témoins de ce monde
Je ne me rappelle rien d'eux qui sont retournés à rien

Qui ne sont plus d'avant et d'après qui sont du vide
Et le vent même n'est plus rien que le souvenir

de l'Ennemi
Habile à poursuivre son règne dans mon règne



Poème publié et mis à jour le: 12 July 2017

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