Mais c'est assez parler du ciel des astronomes
Qu'on finit par confondre avec le paradis
Le ciel mot trompe-l'œil qui cache ce qu'il nomme
Le ciel mot transparent opaque à ce qu'il dit
Eisa rappelle-moi ce qu'écrivait
Pouchkine
L'habitude nous vient du ciel
Elle nous tient
Lieu de bonheur
Et moi par contre j'imagine
Que l'habitude c'est le malheur quotidien
Rien ne nous vient du ciel monopole des anges
Nul glaive n'est porté par licence de
Dieu
La peste ni le feu ni l'atome ne vengent
Sur les gens de la terre un idéal des cieux
C'est du bagne accepté que surgit l'habitude
A la misère faite règle à nos besoins
Sceptique aux longs projets de l'homme ce
Latude
Qui rêve dans la nuit les menottes aux poings
Alexandre
Serguéiévitch ô pessimiste
Rien ne me tienne lieu de bonheur à ce prix
Le bonheur d'habitude est un bonheur trop triste
Je préfère l'enfer où l'homme brûle et crie
Avez-vous déjà vu comme sur les gravures
Habituellement est l'enfer figuré
Une foule de corps dans toutes les postures
Nus et tordant leurs bras hammam désespéré
Ce voyage sans fin n'aura jamais de havre
La mort n'est pas un port la folie un oubli
La promiscuité de ces vivants cadavres
N'a rien à voir avec l'emmêlement du lit
Vers qui tournent-ils donc leurs prunelles farouches
Si ce dais de splendeur est abîme inclément
A qui va la clameur douloureuse des bouches
Si l'infini des cieux est vide immensément
Quel aveu me diront les rebouteux de l'âme
De n'avoir plus personne à qui vous adresser
Plus cruelle est pour vous la morsure des flammes
Dans l'absence des dieux que vous avez chassés
Demandez demandez la paix à la prière
Elle est
Vos à ronger qu'il faut aux chiens battus
Qu'importe que demain ressemble à l'autre hier
Repeignez les manteaux étoiles des statues
N'attendez rien d'un monde où rien n'est que carence
Escarbille à votre œil sable fausse monnaie
Cendre neige néant poussière d'apparences
Dites-vous bien que c'est à la mort que l'on naît
Silence à vous marchands de la miséricorde
A nos gémissements vous vous étiez mépris
C'était que nous tirions ensemble sur la corde
Et le mal combiné nous arrachait ce cri
Regardez les haleurs que leur effort déchire
La sueur les inonde et leurs bras sont gonflés
Et quand s'arrache d'eux ce terrible soupir
C'est qu'ils sentent venir à eux le poids halé
Ils crient sans doute ils crient les damnés de la terre
L'enfer existe il est le terrible aujourd'hui
Où la loi sociale impose à tous de taire
Les prémisses du jour et le bout de la nuit
L'enfer existe
II est la part du plus grand nombre
L'enfer existe
II est ce paysage fou
La
résignation des visages à l'ombre
L'espoir tenu pour crime et la vie à genoux
Il fut un temps naguère où le bonheur des îles
Ouvrant leur équivoque aux poètes croyant
Ne plus se rappeler au beau soleil d'exil
Leur pays déchiré par delà l'océan
Ah partir
Le vieux monde est comme une latrine
Ah partir où
Vatoll rougit sous les embruns
Ah partir disaient-ils en ouvrant les narines
Au goudron portuaire et fuir le sort commun
Beaux enfants au cœur sourd qui ne pensiez courir
Qu'aux édens de couleur où tanner votre peau
Tandis qu'on jetterait votre peuple à mourir
Qu'on le tuerait ayant la faim sur son drapeau
Quand tout sera fini qu'on écrira l'histoire
On relira ces vers que vous avez chantés
Je ne sais si des miens on gardera mémoire
Mais vous êtes partis et moi je suis resté
Oui j'ai choisi l'enfer en pleine conscience
Oui j'ai choisi mon peuple et j'ai pris son chemin
Et je souffre avec lui sa même patience
Et mon souffle se mêle à son souffle germain
Le peuple
II est des mots comme ça qu'on prononce
En passant
Qu'on dépasse à peine prononcés
Et c'est comme la mûre noire dans les ronces
On revient les cueillir au coeur de ses pensées
Le matériel roulant peut n'être plus le même
Les vêtements venir d'un autre costumier
Le peuple c'est toujours le wagon de troisièmes
Qui s'en va cahotant tel que l'a vu
Daumier
Assis ou non chacun dans ses rêves modiques
Seul dans ce coude à coude et ne surveillant plus
Aujourd'hui comme hier demain même musique
Le vague égarement de ses regards perdus
Le train s'en va la vie aussi le train trépide
De tout un jour usé comme il leur reste peu
Les bras plus durs la main calleuse et quelques rides
Fumer manger dormir se vêtir comme on peut
Les gens rentrent chez eux en accord à l'horaire
Aux sursauts du ballast les épaules scandées
Ils regardent la nuit de leurs yeux ordinaires
Tout ce mal à recoudre ensemble les idées
Nous aurons le repos que le travail procure
N'en va-t-il pas de tout comme il est attendu
Mais la femme est malade à cause des chaussures
On s'en sert tous les jours c'est forcé que veux-tu
Les chaussures s'en vont comme fait la jeunesse
Tu t'en souviens
Marie on était au printemps
C'était
Marie avant que le petit nous naisse
On gagnait bien assez puisque l'on s'aimait tant
Tout est dans l'ordre allons tout se passe à merveille
Le passage à niveau s'ouvre les trains enfuis
Le$ signaux lumineux un peu plus loin s'éveillent
Un peuple résigné s'en retourne chez lui
Un peuple résigné c'est rapidement dire
C'est juger le passant à ses pas machinaux
C'est ignorer le feu sous la cendre et ne lire
Que la lettre oubliant qu'elle forme des mots
Muet debout avec dans sa poche un journal
Le bras en l'air tenant le cuir de la poignée
Celui-là par exemple un employé banal
Un cheminot
Peut-être un postier
Devinez
Ce qui couve ce soir au fond de son silence
Ce qui mûrit en lui que les hommes feront
Quel rêve où la colère avec lui se balance
Et se gonfle la veine angulaire à son front
Ce que celui-là pense étrangement ressemble
Aux confuses lueurs dans la tête des gens
Qui tous ne savent pas ensemble marcher l'amble
Ni former parmi eux leurs propres dirigeants
Mais comme l'eau grandit qui descend des montagnes
Le besoin qui les pousse à l'épaule leur dit
Les chemins confluents et le refus du bagne
Le fleuve en avançant creuse son propre lit
Ce sont des cargaisons d'hommes vers leur ouvrage
Et les déhanchements cyclistes aux montées
Et le moutonnement des têtes au pointage
Et la force et le souffle exactement comptés
Voyez les saisonniers s'éveiller dans la paille
La route où les poids lourds la nuit vont sans arrêt
Les arracheurs de betteraves au travail
Dans l'odeur écœurante et fade à leur jarret
Il se fait des chantiers des villes de baraques
Y viennent de partout main-d'œuvre à bon marché
L'Italien l'Espagnol le
Sidi le
Polak
Les gens on ne sait d'où comme ceux du clocher
O pioches et charrois des
Mondragon-Donzères
Où l'homme de sueur brûle avec les roseaux
Catch de la terre et carrousel de bull-dozers
Vaste retournement de la terre et des eaux
Le labeur continue au soir à la relève
Sable des projecteurs sur la chiourme de nuit
Une équipe suit l'autre ainsi qu'un mauvais rêve
La mer à sa façon fait aussi les trois huit
Incroyable grandeur de cette guerre humaine
Où le fils de la femme est lancé comme un dé
Et quel que soit le point que sa force ramène
Il recommencera joueur dépossédé
Tu transformes la vie ô peuple pour les autres
La tienne comme une eau s'enfuit entre tes doigts
Mais tu es à la fois le
Christ et les
Apôtres
Dont les
Pâques viendront dire ce qu'on te doit
Déjà déjà pointe l'aurore orientale
Les soldats endormis mêlés à leurs épées
Aux portes du
Sépulcre à l'heure froide et pâle
Ont vu l'Homme surgir de toile enveloppé
Ils ont frémi de peur devant leur propre songe
Quoi c'est l'aube déjà déjà la liberté
Un bras lourd sur leurs yeux repliera ses mensonges
Pour dormir un peu plus du jour épouvantés
Mon peuple éveille-les tes frères incrédules
Organise conquiers persuade et dis-le
Les paysans ont droit au soleil qui les brûle
Comme au port les marins les mineurs au ciel bleu
Mon peuple prends les mains déformées de ta mère
Et mets-y la douceur promise à tes enfants
L'avenir t'appartient écris-en le sommaire
Que jusque dans les fers tes yeux soient triomphants
Les lèvres et les blés d'un même chant vont bruire
Oh le piétinement des foules au matin
Choisis peuple choisis ceux qui vont te conduire
Et la juste parole et le geste certain
Tous les
Annapurnas peuvent dresser leurs neiges
Entendez-vous grandir ce rêve consenti
Comme un
Parti conduit son peuple vous disais-je
Et vous les
Conquérants vous dites
Mon
Parti
Il est des mots écrits en lettres capitales
Comme un
Parti conduit son peuple
A peine j'ai
Dit ces mots-là que c'est une éclipse totale
Et tout autre soleil me devient étranger
Poème publié et mis à jour le: 12 July 2017