Un nuage va celant entre les plis de sa robe
Un paysage échappé de la terre et du soleil.
Quels aulnes sur la rivière et la couleur de quelle
aube
Tremblent au creux du nuage qui se hâte dans le
ciel?
La fleur prise en son contour comme dans son propre
piège,
Le métal sonnant s'il tombe, pour se sentir moins
aveugle,
Comme il croit les emporter
Dans les abîmes du ciel
Le nuage, sans volume, dont frissonne le dessin !
Et les plus lourdes odeurs, ô nuage sans odeur,
Et la chaleur sur la vigne, ô nuage sans chaleur!
Le chagrin d'un homme obscur dans une paillote
de jonc
Il voudrait, ce beau chagrin, l'espacer loin dans le
ciel,
Le cri d'un homme égorgé il voudrait le propager,
Faire un silence étoile avec le silence des prés.
Et la truite qu'il a vue sauter d'argent sur le gave
Et que nul ne verra plus, comment la ravirait-il?
Et la fraise forestière
Qu'on ne voit que de tout près
Comment peut-on la ravir lorsque l'on n'est qu'un
nuage
Avec les poches trouées?
Mais rien ne semble étonnant à ce peu de rien qui
glisse,
Rien ne lui est si pesant qu'il ne puisse l'embarquer
Ni la place du marché, ni ses douze brasseries,
Toutes les tables dehors et les visages qui rient,
Le manège avec ses ors, les porcs de bois, leur peinture!
Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012