Les draps d'abord rejetés
maintenant ramenés par dessus les montagnes cutanées
et la forêt des têtes sont des manteaux de tragédiens à l'instant où se couche le soleil et où les tragédiens couvrent leur face opposant à la
lumière pourprée le blanc laiteux des
toges hautes voilures abstraites à l'ombre desquelles des souffles écrasés se cachent
Campement fugace des amants
sous la minceur des tissus protégeant le trafic des
caresses qui s'opère scandé par des balbutiements
la tiède concavité des draps enferme dans son alvéole ce miel à peine bruni par l'inquiétude mêlée à la joie
temporaire la rosée douce des corps
exsudée quand ils confrontent à leur nuit intérieure la transparence réciproque et le matin de leurs peaux
Loin du vent des paroles ennemies
du grésil des prisons
et de la chaleur de plomb des suzerainetés policières
bâtissons un château
sans pont-levis ni donjon
hormis les architectures ébauchées par nos mains
vassales de la royale saison
où notre conjonction se noue
Ramages laineux en signes arabes sur le sol
en caravanes fouettées de sable et morfondues par la
rigidité des murs malgré l'élan des entrelacs inextricables à jamais refermés comme la courbure des lèvres soumises au poids de leur propre secret
Tapis bénin à nos pieds nus quand ils renoncent à leur
commun plan de clivage parmi les sédiments en pâte feuilletée de la literie et découvrent en foulant les festons des arabesques pareilles à celles qui dans la
dépression
de nos paumes tracent sa route compliquée de tours et de retours àl'égrènement futur des journées et des nuits midi nous voit debout sur ce tissu moelleux substituant
à la blancheur dont
alternativement nous nous drapions et nous nous
dévêtions un fond propice au départ vers la docilité des gestes
quotidiens qu'on accomplit en somnambules
nonobstant l'absence de ces amples tuniques où
s'enveloppe le sommeil comme si l'autorité des statues et des héros de théâtre
s'obtenait au prix d'un autre ensevelissement celui de notre agilité diurne à sécheresse de tambour sous la voûte moite et étouffante que seule éclaire la poix des
cris
Viendront alors
après les tragédiens dont les vagues craintivement se
retirent l'ancêtre à redingote la belle-mère de vaudeville la cousine à frais mouchoir la boniche à beaux nichons et le tendre réseau de fils d'archal des larmes
accessoires poussiéreux pour la lente pantomime dont
longtemps nos bouches ricaneront avant la chute sans phrase dans la transmutation
sénile et le vide incisif de la mort
Octobre 1943
Poème publié et mis à jour le: 15 November 2012