Le drap du temps.
Il est peu de chemins de vie
Que nous n’ayons foulés ensemble...
Pourtant, parfois, un voile semble
Nous en faire quitter l’envie...
Le tissu des petits soupirs,
Des joies simples de l’existence,
Des regrets et des souvenirs
Bordés des perles de l’enfance,
Ce drap du temps qui nous unit
Depuis vingt ans de vie commune,
Tantôt s’effiloche et brunit,
Tantôt s’ourle au fil de fortune !
Voile à quatre épaules porté !
Traîne élevée par huit mains d’anges !
Les jours passent ! Printemps, été,
Pluie de soucis, soleils orange
Éclatant de rire au détour !
Larmes séchées d’un geste tendre,
Complicité d’un temps d’amour,
D’un moment passé à s’attendre !
Viennent les joies, s’enfuient les peines !
La vie n’est que la folle scène
Où parfois le voile trop lourd
Tombe en rideau ! Tout devient sourd...
Pourtant, un tour de manivelle :
À nouveau, le bonheur ruisselle !
Parfois, le voile flotte au vent,
Porteur du souffle des ébats
Auxquels se livrent, en combat,
Les désordres des sentiments...
Ses plis fous entravent la marche,
Les épaules sont égarées !
Renaît le calme ! Et sort de l’arche
Un couple de pigeons dorés...
Quand l’automne verra son tour
Nous rangerons le drap de vie
Pour tisser à fil assagi
Celui tranquille des vieux jours.
Il sera plié tendrement
Sur l’étagère qui accueille
Depuis déjà tantôt vingt ans
Ceux sur lesquels on se recueille.
Les doux tissus de nos enfances
Auront pris des plis de sagesse :
Effaçant ainsi les offenses
Le temps abolit la tristesse !
Restent les rires cristallins,
Les jeux fous, les secrets sublimes !
Espiègleries, petits câlins,
Confidences ! Bonbons volés !
Souvenirs que le cœur anime,
Dont tout chagrin s’est envolé !
Les mains d’anges auront forci.
Elles rangeront dans l’armoire
Le drap d’hiver qu’en raccourci
Aura tissé la belle histoire...
Enfouissant alors dans ses plis
Les déchirures d’existence
Qui se confondront dans l’oubli,
Elles tisseront à leur tour
Pour ceux qui leur devront naissance
Quelques beaux draps en fil d’amour.
Noces de porcelaine… 16 février 1983.
«Équipées sereines»
Au sujet de Jean Ciphan
A Propos
Je suis né en 1942. Pendant plus de soixante ans, j'ai savouré le bonheur d'écrire pour mon seul plaisir. Je pense le temps venu d'oser enfin publier !
1960.
Tombé tout jeune dans "la marmite des mots", je crois indispensable de garantir la pérennité de mon œuvre poétique en devenir par un nom de plume Jean Ciphan.
Je la rassemble en un cahier, celui de mes "Sentiers incertains" !
Toutefois, je conserve mon patronyme (Jean Yvon Chapin) pour signer "Les frères Letellier", mon premier essai littéraire...
1962.
Tout jeune enseignant, je rencontre Monsieur Guy des Cars et lui remets en main propre mon manuscrit. Le directeur de l’Académie du Maine me fait l'honneur de le considérer avec intérêt ; lecture faite, il me recommande « de l’étoffer pour en faire un roman ».
Le romancier parcourt également le recueil de mes textes poétiques ; il les apprécie et me conseille de faire parvenir mon cahier (vingt-neuf poèmes) à Monsieur Pierre Seghers, créateur de la collection "Poètes d’aujourd’hui".
J’y souscris bien volontiers et reçois en retour les « encouragements » du célèbre éditeur, sous pli recommandé !
1971.
Professeur de lettres dans un collège du Mans, j’entreprends l’écriture d’un nouveau roman, "Kermarzin". Toutefois, mes engagements professionnels, associatifs et familiaux prennent rapidement le pas sur mon violon d’Ingres !
1983/1997.
Devenu chef d'établissement, je dirige successivement les collèges de Mamers et de La Suze-sur-Sarthe.
2002.
Les mois, les années passent. Me voici aux Sables-d'Olonne, sur la côte de Lumière, de plain-pied dans le siècle nouveau : ma passion pour les mots est intacte !
Retraité, je dépoussière mes carnets et cahiers... Les protagonistes de "Kermarzin" y sont en léthargie... Ma soif d’écriture demeure. Avant de l’étancher, je décide de m’imprégner des lieux, des usages, des ambiances que mes héros auront à partager. J’y prendrai tout mon temps : ensuite seulement je les réveillerai !
2003.
Je suis victime d’un accident vasculaire cérébral. L’épreuve est lourde, difficile à surmonter. Le soutien inconditionnel de mon épouse, de ma tribu et de mes soignants me permet de franchir l’obstacle. Il me toutefois faudra plus de dix ans pour y parvenir !
2013.
Après le temps du recul nécessaire et pour témoigner, je rédige une plaquette susceptible d’aider les personnes victimes d’AVC et celles qui les entourent, "La tache d’encre bleu roi".
2016.
Au cours de l’été, j’entreprends l'écriture de "Mission Codlea". Le récit rapporte l’aventure humanitaire exceptionnelle et admirable que mon épouse, décédée en 2015, a initiée et conduite en Roumanie, auprès des orphelins de cinq maisons d'enfants, de 1990 à 2013.
2018.
Sous le titre "Oser dire", je rassemble et publie quelques-uns de mes poèmes et les fantaisies qui les accompagnent. (Les "Sentiers incertains" y ont pris toute leur place ! )
Deux romans sont achevés : les protagonistes de "Kermarzin" ont été réveillés et j’ai enfin suivi le conseil de Guy des Cars en étoffant "Les frères Letellier".
"La tache d’encre bleu roi" devrait également paraître prochainement..
Poème publié et mis à jour le: 19 August 2018