O mon aimée je rougis
d'être malade d'amour.
Une goutte de pluie sur mon visage
ferait jaillir le sang !
Où es-tu ma préférée ?
Il est vilain le cœur aux joues le cœur à nu.
Que cette rougeur qui vient de moi te guide dans les ténèbres.
La honte est comme l'aurore d'une autre vie.
II
Mufles et ombres
Lui et elle frissonnent
comme des branches qui s'entr'aiment.
Vous, mes amis, passez votre chemin.
Ne me regardez pas.
Quelles rues ! quelle vie !
Les baisers sont noirs.
Les passants me reniflent
et cherchent des truffes dans le cœur.
III
Une fleur de jasmin disait
à une rose :
Si
Dieu t'apprend à ne pas aimer
les hommes
apprends-moi à ne pas aimer
les femmes,
je marierai ma poésie
à ta prière.
IV
Ne vous étonnez pas
si elle me fait manger
un pain blanc pour un pain noir.
La nuit blanchit et le jour rougit
quand je l'aime.
V
Comment faut-il aimer sa
Dame ?
Comme un seigneur
quant à la générosité,
comme un serviteur
quant à la foi.
Ainsi il y a une mystérieuse égalité.
VI
Rouge, muet.
Mon fils, aime et coupe-toi la langue.
VII
Humer simplement une rose
ou dévaster le jardin
parce que la brise a ouvert la porte ?
Je me suis assis devant la maison de ma bien-aimée.
L'angoisse scelle mes lèvres
et fait parler mon cœur en silence.
VIII
Mon désir d'elle
la fait ressembler à une carafe d'eau glacée
qui circule en plein midi
à la terrasse d'un café.
Mon désir d'elle la pose sur la table telle une cathédrale claire et fragile, le litre et le verre.
Mais mes lèvres balbutient de soif
et cette transparence est pour mon esprit
une nuit au milieu du jour.
IX
Le soleil est fou de la fraîcheur des carafes.
Elles s'environnent d'une écorce de buée.
Ainsi ta pudeur, ainsi mon regard.
X
Par blessure, par grand désir les uns aiment d'amour chaste.
Cela n'est pas bien, seul par obéissance cela est bien.
XI
L'âme devant le monde :
le chat devant la soucoupe de lait...
S'il y a un sage, qu'il se présente !
XII
Sur le toit de sa chambre
la nuit qui marche comme une colombe.
Je l'écoute.
Je suis déchiré, je cherche.
«
Fruits de ma douce femme
ne m'appartenez pas. »
Ma plus pressante demande
est d'apprendre à aimer.
XIII
La bien-aimée
J'ai deux femmes :
par admiration j'aimerais donner ma vie
à l'une pour la remercier,
à cause de l'autre
je devrais devenir un saint.
Je suis un faible passereau.
XIV
Je voudrais que les baisers
remplacent les chants d'oiseaux
Qu'ils pépient dès l'aube
sur tes joues, tes paupières.
Je voudrais que la nuit
remplace le jour,
que la prière
remplace le travail,
que le silence
remplace les paroles.
Je voudrais que l'éternité
remplace cette vie
ne seraii-ce qu'un instant.
XV
Un paysan s'empoigne la tête
Je déteste les anges et je les étudie.
J'observe les bêtes et je les comprends.
Car trois choses sont bonnes pendant la nuit : forniquer, regarder la lune ou prier.
XVI
Toutes les femmes en une
L'amante dit : «
Je serai ta sœur, ta mère, ta fiancée, ta putain, ta princesse, ta sorcière. »
Lui répond : «
Je suis des morceaux de moine, de paysan, de seigneur, de poète, morceaux de vieillard et d'adolescent.
«
Cuisons ensemble.
Les anges ou le diable se réjouissent du fumet de la marmite. »
XVII
L'amour qui s'éloigne
J'ai perdu la
Dame que j'aimais.
Dans le ciel elle était un tiercelet.
Et comme je l'adorais encore, j'ai reçu une crotte dans l'œil.
Celte crotte que la publicité nomme diamant.
Et me voilà poète !
XVIII
Celui qui aime est un animal sans défense.
L'âge de raison n'existe pas.
Les enfants de cinquante ans cuisent le pain,
cueillent le raisin
et commencent à parler avec l'ombre.
Mais leur secret, c'est leur maîtresse.
Par elle, la peau sous le veston
ils gémissent.
Vie cherche vie.
Pas fou s'abstenir.
Ecrire aux
Parques.
XIX
Note pour trio
Franc jeu : tuer une âme et respecter l'autre ; ou adorer une partie de l'âme et brûler l'autre.
Dans mille ans
l'amour sera-t-il partageable ?
XX
Que le donneur de grâces passe dans ma rue !
Il crie : «
Ciel bleu ! ciel bleu ! »
J'ai été un idiot de nuit,
j'ai choisi de n'être pas aimé.
Je joue perdant
après avoir entendu les couples de rossignols.
XXI
Je vous demande :
Où vont les chants d'oiseaux
quand les corps ne les enveloppent plus ?
XXII
L'arc-en-ciel a disparu, la pruine, la rosée qui vêtait cette femme.
Elle hurlait en dedans, ô
Marie pleine d'épines !
J'ai lu dans la grande bible de la ferme que j'irai vers cette fontaine, que j'irai vers cette source à la fois comme un pèlerin et comme un chien qui lape.
XXIII
Petits paradis
Nous nous sommes cachés.
Le monde était rafraîchi de beauté quand les juges ne le toisaient plus.
La société était dissoute mais un lacet de fil rouge m'étranglait si je t'aimais trop.
Cantique des cantiques : mensonge des mensonges !
Car je n'ai jamais su choisir entre l'enfance et la passion.
Aie pitié.
XXIV
Pourquoi ?
Tu m'as ébloui.
Pour admirer les cerisiers en fleurs, les mères au
Japon conduisent même les petits aveugles.
L'Eglise nous conduit ainsi devant les jeunes filles.
XXV
Celui qui entend la goutte de sang
—
Confessez-vous,
Valaisan de
Provence !
—
Je craignais toujours de faire mourir quelqu'un.
Mes pensées étaient meurtrières quand j'aimais.
Tel être vivait et en face tel autre dépérissait.
—
Eh bien, c'est l'envoûtement avec le choc en
retour !
—
La virilité n'est jamais coupable.
—
Vous êtes troublés dans vos montagnes !
—
J'ai lutté avec l'ange au corps, avec le diable au cœur.
Elle est ronde et innocente, la terre.
Contre elle, entre dans la nuit.
—
Viens !
—
Où ça ?
Soudain tes seins sont hors du gîte de mes mains.
Mais je ne sais pleurer d'amour sans sourire.
Réfléchissant à tout j'ai écrit mon epitaphe :
«
Vive la fuite ! »
Poème publié et mis à jour le: 15 November 2012