Poèmes

L'Arme du Désir

par Virgile

Mais Vénus, en son coeur de mère, ne s'alarma pas en vain.
Émue par les menaces laurentes et ce tumulte cruel,
elle s'adresse à Vulcain et, dans la chambre dorée de son époux,
elle commence ainsi, mêlant à ses paroles le souffle divin de l'amour :
"Tant que les rois d'Argos dévastaient une Pergame condamnée
et ses tours destinées à tomber sous les feux des ennemis,
pour ces malheureux, je n'ai sollicité aucune aide, aucune arme
de ton art et de ta puissance. Je n'ai pas voulu te tourmenter,
ô mon époux bien-aimé, ni t'imposer des travaux inutiles.
Pourtant ma dette était immense à l'égard des fils de Priam,
et souvent j'ai pleuré sur les dures épreuves d'Énée.
Aujourd'hui, sur l'ordre de Jupiter, il se trouve sur la terre des Rutules :
aussi je viens en suppliante et, de ta puissance qui m'est sainte,
j'implore, en mère, des armes pour mon fils. La fille de Nérée,
l'épouse de Tithon purent bien, elles, te fléchir par leurs larmes.
Vois quels peuples se rassemblent, quels remparts, toutes portes fermées,
aiguisent leurs armes contre moi, pour la perte des miens."
Après ce discours, comme Vulcain hésitait, Vénus l'entoura
de ses bras de neige, le réchauffant en une tendre étreinte.
Et soudain le dieu ressentit la flamme familière; une chaleur bien connue
le gagna tout entier, parcourant ses membres ébranlés.
Ainsi parfois, dans un roulement de tonnerre, étincelle
la ligne brisée d'un éclair traversant les nuages de sa lumière.
La femme remarque la chose, heureuse de ses ruses
et sûre de sa beauté. Alors le dieu, enchaîné par un amour infini, dit :
"Pourquoi cherches-tu si loin des raisons ? Où s'en est allée,
ô déesse, ta confiance en moi ? Si jadis tu avais manifesté le même souci,
il nous eût été possible alors aussi d'armer les Troyens;
ni le père tout-puissant, ni les destins n'interdisaient à Troie
de rester debout, ni à Priam de survivre dix autres années encore.
Et maintenant, si tu te prépares à guerroyer, si telle est ton intention,
je puis te promettre tous les soins qui dépendent de mon art,
et tout ce qui se peut fabriquer avec le fer ou l'électrum fondu,
tout ce dont ma forge et mes soufflets sont capables.
Cesse de supplier et de douter de ton pouvoir." Après ces paroles,
il lui donna l'étreinte désirée et, abandonné sur son sein,
il laissa un apaisant sommeil envahir ses membres.

Extrait de: 
Enéide



Poème publié et mis à jour le: 11 November 2019

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