Poèmes

La Vision de Snorr

par Charles Marie Rene Leconte de Lisle

Charles Leconte de Lisle

Ô mon Seigneur Christus ! hors du monde charnel
Vous m'avez envoyé vers les neuf maisons noires :
Je me suis enfoncé dans les antres de Hel.
Dans la nuit sans aurore où grincent les mâchoires,
Quand j'y songe, la peur aux entrailles me mord !
J'ai vu l'éternité des maux expiatoires.
Me voici revenu, tout blême, comme un mort.
Seigneur Dieu, prenez-moi, par grâce, en votre garde.
Et si je fais le mal, donnez-m'en le remord.
Le prince des Brasiers est là qui me regarde,
Vêtu de flamme bleue et rouge. Il est assis
Dans le palais infect qui suinte et se lézarde.
Il siège en la grand'salle aux murs visqueux, noircis,
Où filtre goutte à goutte une bave qui fume,
Et d'où tombent des noeuds de reptiles moisis.
Au-dessus du Malin, sur qui pleut cette écume,
Tournoie, avec un haut vacarme, un Dragon roux
Qui bat de l'envergure au travers de la brume.
En bas, gît le marais des Lâches, des Jaloux,
Des Hypocrites vils, des Fourbes, des Parjures.
Ils grouillent dans la boue et creusent des remous,
Ils geignent, bossués de pustules impures.
Serait-ce là, Seigneur, leur expiation,
D'être un vomissement en ce lieu de souillures ?
Sur des quartiers de roc toujours en fusion,
Muets, sont accoudés les sept Convives mornes,
Les sept Diables royaux du vieux Septentrion.



Poème publié et mis à jour le: 16 November 2012

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