Poèmes

La Philosophie par le Meurtre

par Henri Michaux

Henri Michaux

Celui qui a tué moins de cent fois qu'il me jette la première pierre.

La philosophie est indispensable à l'homme.
Un adulte sans philosophie est grotesque.
Il faut savoir trouver son chemin vers elle.
Courage et perspicacité.

Mais je ne vais pas en parler spécialement ici.
J'en parle partout à qui sait comprendre.

Je parlerai de la foule.

Il ne faut pas, lorsque je considère les différentes impossibilités qui m'empêchent d'aller de l'avant, il ne faut pas que dans ce moment je rencontre des gens dans la
rue.

On ne rencontre que trop de gens partout pour vous faire perdre la foi, vous embarrasser, vous ralentir, vous stopper, vous faire vous renier.

Heureusement, il y a des moments d'impétueuse certitude où tous ces agités se trouvent « du mauvais côté », du côté qui cède, tandis que le
vôtre est ferme, formidablement ferme.

Vous descendez alors dans la rue et vous fendez à coups de faux la foule idiote.
Le sort en est jeté.
Des innocents?
Qui est innocent?
Qu'on nous les montre, s'ils existent!

D'ailleurs, ils ne s'en portent pas beaucoup plus mal d'avoir été fauchés, ces insensibles, et vous, au contraire, vous vous en portez d'autant mieux.
Essayez.
Chacun peut ainsi descendre dans la rue.
C'est une question de confiance.
Ensuite, déchargé du geste qu'il fallait faire, vous pouvez, enfin rasséréné, accéder à la philosophie.
Vous êtes arrivé à l'horizontalité parfaite.
Profitez-en.
Vous pourriez même sans vous forcer, être bienveillant.
C'est agréable aussi, oui, du moins quand on commence...



Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012

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