La Jeune Châtelaine, Marceline Desbordes-Valmore
Poèmes

La Jeune Châtelaine

par Marceline Desbordes-Valmore

Marceline Desbordes-Valmore

"Je vous défends, châtelaine,
De courir seule au grand bois."
M'y voici, tout hors d'haleine,
Et pour la seconde fois.
J'aurais manqué de courage
Dans ce long sentier perdu ;
Mais que j'en aime l'ombrage !
Mon seigneur l'a défendu.

"Je vous défends, belle mie.

Ce rondeau vif et moqueur."

Je n'étais pas endormie

Que je le savais par cœur.

Depuis ce jour je le chante ;

Pas un refrain n'est perdu :

Dieu ! que ce rondeau m'enchante !

Mon seigneur l'a défendu.

"Je vous défends sur mon page

De jamais lever les yeux."

Et voilà que son image

Me suit, m'obsède en tous lieux.

Je l'entends qui, par mégarde,

Au bois s'est aussi perdu :

D'où vient que je le regarde ?
Mon seigneur l'a défendu.

Mon seigneur défend encore
Au pauvre enfant de parler ;
Et sa voix douce et sonore
Ne dit plus rien sans trembler.
Qu'il doit souffrir de se taire !
Pour causer quel temps perdu !
Mais, mon page, comment faire ?
Mon seigneur l'a défendu.



Poème publié et mis à jour le: 15 November 2012

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