Poèmes

Hommage a Picasso

par Michel Leiris

D'un coup de fouet

l'air tue les meubles et les offre en tranches bien saignantes à la servante qui court les ruelles attristées perdues en lacis de viscères comme des bas à jamais
démaillés

Les pelotons de laine qui se dessèchent

dans les hauteurs

n'ont pas besoin d'une calèche

d'entrepreneur

pour devenir des folles ardentes et des baise-moi-à-

babouche-que-veux-tu des caniveaux qui mènent droit au pôle à cette heure où toutes les mains gèlent dans des cachots

Les outils quotidiens fientent des astres et les astres le leur rendent bien

Ils débarrassent leurs entrailles des fruits vidés

et des corps dévorés vaille que vaille par la fenêtre aux yeux cyniques dont les boiseries humides épient

Flocons d'ivoire
Cruches aux lèvres de soie
Vitres automatiques
Tapis tombants
Sautes de vent
Cathédrales les horizons se haussent lentement et abandonnent tout leur charme

Paraissent alors les pointes dénudées

crucifixion d'un comptable à faux col sur les colonnes de son bilan

ossements d'une chambre aux lambris dédorés

marée saumâtre qui charrie des vertèbres

des lambeaux de vêtements usés dont la corde transparait et s'illumine

comme parfois s'éclairent dans l'eau trouble des abîmes

les arêtes de poissons

arêtes sonores qui transmettent les remous et les transforment tenaille après tenaille (Tenaille d'eau douce, n'est-ce pas un très bel instrument?) en chansons tendres qui se
nichent sur ces étagères que les cœurs constellés échafaudent au sommet des haubans



Poème publié et mis à jour le: 15 November 2012

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