Poèmes

Hatouara

par Blaise Cendrars

Blaise Cendrars

Elle ne connaît pas les modes européennes

Crépus et d'un noir bleuâtre ses cheveux sont relevés

à la japonaise et retenus par des épingles en corail
Elle est nue sous son kimono de soie
Nue jusqu'aux coudes

Lèvres fortes

Yeux langoureux

Nez droit

Teint couleur de cuivre clair

Seins menus

Hanches opulentes

Il y a en elle une vivacité une franchise des mouvements

et des gestes
Un jeune regard d'animal charmant

Sa science : la grammaire de la démarche

Elle nage comme on écrit un roman de 400 pages
Infatigable
Hautaine
Aisée

Belle prose soutenue

Elle capture de tout petits poissons qu'elle met dans le creux de sa bouche

Puis elle plonge hardiment

Elle file entre les coraux et les varechs polycolores

Pour reparaître bientôt à la surface

Souriante

Tenant à la main deux grosses dorades au ventre d'argent

Toute fière d'une robe de soie bleue toute neuve de ses babouches brodées d'or d'un joli collier de corail qu'on vient de lui donner le matin même

Elle m'apporte un panier de crabes épineux et fantasques et de ces grosses crevettes des mers tropicales que l'on appelle des « caraques » et qui sont longues comme la main



Poème publié et mis à jour le: 13 November 2012

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