Plusieurs hommes se sont mis à table
ils ont mangé leur soupe d'outils dépecé l'hydre des
instruments mais la table garde ses quatre pieds qui la rivent à la
terre long fleuve dont les remous enchaînent les pas des
femmes et des enfants
C'est un repas très compliqué fastueux comme un repas
de noces un mur torride que construisent d'étranges aliments calcinés par le soleil des yeux dont les lueurs jamais
ensemble ne s'éteignent parce que dès qu'on ouvre une porte c'est la fenêtre
qui se ferme tant est impossible à contenir le courant d'air mouvant
Les hommes chantent et se bousculent ils rient et la vaisselle se ternit étoilée de taches de graisse dont les éclairs hilares déchirent le ciel de porcelaine lorsque la
pluie souille les nuits
Ils crient
Ils suent
Ils échangent des bourrades mais l'eau tremble à peine dans le creux des carafes et les animaux restent couchés aussi dociles que leur pâture d'ossements
Pour dessert on apporte un grand gâteau de givre
Quelle terrible froideur après les viscères fumants!
Cela forme une haute tour dont le sommet subit le
choc de tous les vents vantaux glacés qu'ouvre très loin de là une main aux
doigts amers une main aux lignes festonnées mauvaise machine à
coudre qui pique les langues de dentelle les massacre d'entailles comme le corps d'un criminel
surpris
C'est un immense monceau de glace un château-fort garni de piques et de déesses dont les bras traînent la poussière des regards et durement les enferment
Les archers geignent de terreur et de froid leurs armes se courbent puis se redressent quand passent ces femmes aux têtes de voleurs et de mangeurs d'enfants
Que tous les convives soient surpris
cela fait naître le sourire aux bouches de ces jolies
sorcières qui se moquent pas mal d'être tout bas maudites par ces hommes dont les dents gèlent et se contractent dans le bagne de leurs mâchoires ou de la
Sibérie
J'aime écouter tomber les flèches de ces rires enchantés sur la cible du ciel où les nuages se dérident
En bas se gonfle l'orgue sanguinaire des voix de ceux que déçurent ces reines sans mélancolie
au grand banquet des fringales carnassières des caresses de cristal et des plaisirs vivants
Poème publié et mis à jour le: 15 November 2012