Poèmes

Églogue au Roi Sous les Noms de (Extraits)

par Clément Marot

(...)

Sur le printemps de ma jeunesse folle
Je ressemblais l'hirondelle qui vole,
Puis ça, puis là.
L'âge me conduisait
Sans peur ni soin, où le cœur me disait.
En la forêt, sans la crainte des loups,
Je m'en allais souvent cueillir le houx,
Pour faire glu à prendre oiseaux ramages1,
Tous différents de chants et de plumages ;
Ou me soûlais, pout les prendre, entremettre
A faire bries , ou cages pour les mettre ;
Ou transnouais les rivières profondes,
Ou renforçais sur le genou les fondes* ;
Puis d'en tirer droit et loin j'apprenais
Pour chasser loups et abattte des noix.

Ô quantes fois aux arbres grimpé j'ai,
Pour dénicher ou la pie ou le geai,
Ou pour jeter des fruits jà mûrs et beaux,
A mes copains, qui tendaient leurs chapeaux !

Aucune fois aux montagnes allais.
Aucune fois aux fosses dévalais,
Pour trouver là les gîtes des fouines,
Des hérissons, ou des blanches hermines ;
Ou, pas à pas, le long des buissonnets,
Allais cherchant les nids des chardonnecs ,

Ou des serins, des pinsons ou linottes.

Déjà pourtant je faisais quelques notes
De chants rustiques, et dessous les ormeaux,
Quasi enfant, sonnais des chalumeaux.
Si ne saurais bien dire ni penser
Qui m'enseigna si tôt d'y commencer,
Ou la nature aux muses inclinée,
Ou ma fortune, en cela destinée
A re servir : si ce ne fut l'un d'eux,
Je suis certain que ce furent tous deux.

(...)

Quand printemps faut et l'été comparait,
Adonques l'herbe en forme, et force croît.
Aussi, quand hors du printemps j'eus été,
Et que mes jours vinrent en leur été,
Me crût le sens, mais non pas le souci.
Si employai l'esprit, le corps aussi
Aux choses plus à tel âge sortables,
A charpenter loges de bois portables,
A les rouler de l'un en l'autre lieu,
A y semer la jonchée au milieu,
A radouber treilles, buissons et haies,
A proprement entrelacer les claies,
Pour les parquets des ouailles fermer
Ou à tissir, pour fromage former,
Paniers d'osier et ficelles de jonc,
Dont je soûlais, car je l'aimais adonc,
Faire présent à
Hélène la blonde.

J'appris les noms des quatre parts du monde,
J'appris les noms des vents, qui de là sortent.
Leurs qualités, et quel temps ils apportent.

Dont les oiseaux, sages devins des champs.
M'avertissaient par leurs vols et leurs chants.

J'appris aussi allant aux pâturages
A éviter les dangereux herbages,
Et à connaître et guérir plusieurs maux,
Qui quelquefois gâtaient les animaux
De nos pâtis ; mais par sus toutes choses,
D'autant que plus plaisent les blanches roses
Que l'aubépin, plus j'aimais à sonner
De la musette, et la fis résonner
En tous les tons et chants de bucoliques,
En chants piteux, en chants mélancoliques,
Si qu'à mes plaints un jour les oréades
Faunes, sylvains, satyrs et dryades,
En m'écoutant jetèrent larmes d'yeux ;

(...)

J'ois d'autre part le pivet jargonner
Siffler l'écouffle*. et le butor tonner,
Vois l'étourneau, le héron et l'aronde
Etrangement voler tout à la ronde
M'avertissant de la froide venue
Du triste hiver, qui la terre dénué.

D'autre côté, j'ois la bise arriver,
Qui en soufflant me prononce l'hiver ;
Dont mes troupeaux, cela craignant et pis.
Tous en un tas se tiennent accroupis,
Et dirait-on, à les ouïr bêler,
Qu'avecques moi te veulent appeler
A leur secours, et qu'ils ont connaissance
Que tu les as nourris dès leur naissance.

Je ne quiers pas, ô bonté souveraine,

Deux mille arpents de pâtis en
Touraine,
Ni mille bœufs errants par les herbis
Des monts d'Auvergne, ou autant de brebis.
Il me suffît que mon troupeau préserves
Des loups, des ours, des lions, des loupcerves
Et moi du froid, car l'hiver qui s'apprête,
A commencé à neiger sur ma tète.



Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012

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