Poèmes

Chant pour Elsa

par Mohammed Dib

Les terres boivent à la mamelle de l'aube, toison douce et noire, et ne semblent pas pouvoir s'arracher aux lourdeurs du sommeil. Alors, entouré de silence, de murmures, de lait
matinal, qui tend l'oreille, qui regarde ? Qui habite ici les choses, l'air et la lumière ?

Quel homme (ou femme) va inventer la première plaie et l'éclosion des lèvres inertes ?

Paysage solidifié sur une parole.

Ne me parle pas de cicatrice. Ce cerne bleu et rouge enferme mon voyage. Je traque chaque ombre placée sur la ligne d'horizon. J'ouvre le monde et en détruis l'ordonnance. Il n'y aura
place que pour l'été intrépide.

L'élan qui m'emporte me conduira jusqu'à toi et j'affirme que même à ce moment ce ne sera pas le bout du voyage.

Une moisson de solitude s'enveloppant de secrets, une étape loin de mon empire de terre et d'innocence. Tes yeux verront.

Mer et ciel coupés par un pli de sable.

Pour recommencer le plaisir des plages, la fête des hanches, le réémergement des eaux, l'audace des seins, le périple de la lumière de l'épaule au ventre, aux
jambes paisibles, jusqu'aux galets polis des pieds. Et toute la mer s'écoulera entre ces rivages.

Mes lèvres durciront, boue sèche. Mon corps tombera en poussière. Il ne me restera que ces conquêtes de délire qui ruinent. Que leur silence.

L'étendue féroce, l'espacement d'un jour.

Une profusion de temps hors d'usage.

Mais quelque part un soupçon d'ombre comme un regard tenu en réserve s'apitoie.

La Celle-Saint-Cloud 18 juin 1970



Poème publié et mis à jour le: 15 November 2012

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