Poèmes

Ballade du Concours de Blois

par François Villon

François Villon

Je meurs de seuf auprès de la fontaine,
Chault comme feu, et tremble dent a dent ;
En mon pais suis en terre loingtaine ;
Lez ung brasier frissonne tout ardent ;
Nu comme ung ver, vestu en président,
Je ris en pleurs et attens sans espoir ;
Confort reprens en triste desespoir ;
Je m'esjouïs et n'ay plaisir aucun ;
Puissant je suis sans force et sans povoir,
Bien recueully, débouté de chascun.

Rien ne m'est seur que la chose incertaine ;
Obscur, fors ce qui est tout évident ;
Doubte ne fais, fors en chose certaine ;
Science tiens a soudain accident,
Je gaigne tout et demeure perdent ;
Au point du jour dis : «
Dieu vous doint bon

[soir ! »
Gisant envers, j'ay grant paour de cheoir ;
J'ay bien de quoy et si n'en ay pas ung ;

Eschoitte attens et d'omme ne suis hoir,
Bien recueully, débouté de chascun.

De rien n'ay soing, si mectz toute ma peine,
D'acquérir biens et n'y suis prétendent ;
Qui mieulx me dit, c'est cil qui plus m'attaine,
Et qui plus vray, lors plus me va bourdent ;
Mon amy est, qui me fait entendent

D'ung cigne blanc que c'est ung corbeau noir ;
Et qui me nuyst, croy qu'il m'ayde a povoir ;
Bourde, verte, au jour d'uy m'est tout un ;
Je retiens tout, rien ne sçay concepvoir,
Bien recueully, débouté de chascun.

Prince clément, or vous plaise sçavoir
Que j'entens moult et n'ay sens ne sçavoir :
Parcial suis, a toutes loys commun.
Que fais je plus ?
Quoy ?
Les gaiges ravoir,
Bien recueully, débouté de chascun.



Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012

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