Si proches bien qu'à distance
les êtres qu'il façonnait
avaient beau n'habiter aucun lieu,
ils étaient les habitants inexpugnables
de leur fixité sans racines.
Foison de hampes ou de stèles,
figures dont il a pour toujours
mis à notre hauteur
les soliloques fusant
à la pointe de l'absolu silence.
. *
Présences trouant la nuit
qui tue toute présence,
des corps, encore des corps et d'autres corps se dressent
hors du miroir
que ni exhalaison ni poussière n'embuent.
•
Du pied au faîte de la mince falaise
où gîte un souffle qu'elle ignore
des bosses attestent la fureur des mains
acharnées à la faire surgir,
comme les zébrures,
virevoltes
et autres fins sillons
sur la toile emblavée pour rien
sinon l'éveil d'un personnage.
•
Au grand air
ou dans la boîte des quatre murs il les saisit,
en marche ou à l'arrêt.
Voyons
— par le truchement de ses prises — rumeurs,
pulsations et tic-tacs obscurs, craquetis d'os ou de boiseries se fondre en un unique courant qui dévale en même temps qu'il se fige.
*
Jeux du plus et du moins,
jeux de la vie et de la mort échangées
pour qu'enfin se déploie,
vierge de tout survol,
le drapeau que ne tache nulle couleur.
Caillots d'instants,
plus noueux — même au repos —
que les cailloux lavés par des baves et des larmes immémoriales.
•
Sueurs, tourbes,
écumes opaques, ses doigts les ont pétris en vain : par ce vide que contrecarraient tant de pleins et de creux juxtaposés, le voilà désormais mangé!
•
Poignant la rude et fantasque crinière, jambages (pour nous seuls) d'une écriture indélébile, l'espace et le temps récusés par son pouce sans onction l'ont-ils
nié à son tour?
•
Alberto,
prénom à jamais privé
de la flambée du vocatif
puisque
Giacometti est maintenant relégué
dans l'exil de la troisième personne...
Poème publié et mis à jour le: 15 November 2012