Sur ce Qu'il ne Peut Oublier Son Amour

Haïr également et le
Jour et la
Nuit,

Changer à tous propos d'humeur et de visage,

M'absenter de chacun, avoir l'âme sauvage,

Et marcher sans dessein où mon pied me conduit ;

Détester mon repos, aimer ce qui me nuit,
A mille indignités soumettre mon courage,
M'obliger de mépris et bénir mon servage :
Voilà le bel état où l'Amour me réduit.

Je sais bien que l'oubli guérirait ma folie ;
Mais alors que je vois la beauté qui me lie,
Je m'oublie aussitôt d'oublier ses appas.

Voyez comme ce
Dieu sait maintenir sa gloire :
L'étrange passion qui cause mon trépas
Vient autant de l'oubli comme de la mémoire.