Poèmes

Sous un Portrait de Corbière

par Tristan Corbière

L'amour!... je l'ai rêvé, mon cœur au grand ouvert

Bat comme un volet en pantenne

Habité par la froide haleine

Des plus bizarres courants d'air;

Qui voudrait s'y jeter?... pas moi si j'étais
ELLE!...

Va te coucher, mon cœur, et ne bats plus de l'aile.

J'aurais voulu souffrir et mourir d'une femme,
M'ouvrir du haut en bas et lui donner en flamme,
Comme un punch, ce cœur-là, chaud sous le chaud soleil.

Alors je chanterais (faux, comme de coutume)
Et j'irais me coucher seul dans la trouble brume Éternité, néant, mort, sommeil, ou réveil.

Ah si j'étais un peu compris!
Si par pitié
Une femme pouvait me sourire à moitié,
Je lui dirais : oh viens, ange qui me consoles!...

...Et je la conduirais à l'hospice des folles.

On m'a manqué ma vie!... une vie à peu près;
Savez-vous ce que c'est : regardez cette tête.
Dépareillé partout, très bon, plus mauvais, très
Fou, ne me souffrant...
Encor si j'étais bête!

La mort... ah oui, je sais : cette femme est bien froide,
Coquette dans la vie; après, sans passion.
Pour coucher avec elle il faut être trop toide...
Et puis, la mort n'est pas, c'est la négation.

Je voudrais être un point épousseté des masses,
Un point mort balayé dans la nuit des espaces, ...Et je ne le suis point!

Je voudrais être alors chien de fille publique,
Lécher un peu d'amour qui ne soit pas payé;
Ou déesse à tous crins sur la côte d'Afrique,
Ou fou, mais réussi; fou, mais pas à moitié.



Poème publié et mis à jour le: 16 November 2012

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