Ah!
Chantons à perdre haleine,
Chantons à cris et à cors
Le dernier hymne du cor-Donnier brisant son alêne!
Pleurons avec des oignons
Le néant de
Berthelon.
Il marche dans la carrière,
D'un glorieux vernis couvert,
Dans le soulier découvert
Et la botte à l'écuyère;
Ayant tant fait dans les peaux,
Il va perdre du repos!
Ah! voyez suinter les larmes
Dans tous les œils-de-perdrix :
On en sent bien tout le prix
Car la botte d'un gendarme
Reçoit comme un bénitier
Le pleur coulant de nos pieds.
Souvenez-vous de sa porte
Où brillait la botte d'or.
Aujourd'hui la botte dort;
On la dirait presque morte :
Aurait-elle, hélas! si tôt
Un pied dedans le tombearf?
Berthelon avait une âme,
Une âme d'artiste en fin
Et pour la chaussure enfin Était bien aimé des dames,
Et même pour les semell(es)
Plus fort que feu
Raphaël.
Mais ce n'est pas de lierre
Qu'il faut lui ceindre le front :
La palme et le laurier sont
Des plantes trop éphémères;
Seule la plante des pieds
A son front serein sied.
Va verdir sur les pelouses
De
Villa
SanCrepina!
Là peut-être te suivra
Quelque fin pied d'Andalouse,
Avec l'Andalouse au bout
Et... et le pied mène à tout.
Plus n'iront filles mutines
Au cœur pur de
Berthelon
Mesurer à l'étalon
Les talons de leurs bottines.
Aux talons de
Berthelon
Qui trouve son état long!
Ah, quand la barque horrifique
D'un dernier coup de tranchet
Tranchera son cordonnet,
Dieu donnera sa pratique
En disant dans sa tendress(e) : «t
Berthelon, vide pedes. »
Que l'encens de nos chaussures
S'exhale avec
Saint-Crépin
Emportant contre son sein
Cette âme à juste mesure
Qui n'aura jamais souillé,
Jamais, l'âme d'un soulier.
On salera dans une urne
Sa peau, le plus doux des cuirs.
Les grâces de l'avenir
S'en feront faire un cothurne
Pour aller danser au son
De l'hymne de
Berthelon!
Poème publié et mis à jour le: 16 November 2012